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1 juillet 2008 2 01 /07 /juillet /2008 22:30
Hier soir j’ai plongé dans le souvenir d’un lieu familier : ma chambre d’étudiant. Tout cela pour avoir mis en route une infusion de romarin tout en préparant des algues hiziki… Ce mélange singulier d’odeurs m’a projeté dans un lointain passé !

Ce matin je découvre une autre sensation merveilleuse en marchant au milieu des fleurs : l’impression de toucher l’espace et de m’y insérer totalement, par une abolition de la distance et des frontières du corps. L’impression que l’évidence est là, tout le reste n’étant qu’aliénation et déni du bonheur d’exister.

Ce soir Séverine vient d’arriver, épuisée par le voyage mais rayonnante de tendresse. Toujours aussi digne et attirante. J’ai serré quelques secondes sa silhouette de plume, un ravissement et la promesse de belles journées. Elle est au piano maintenant, trébuchant sur des arpèges.

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18 juin 2008 3 18 /06 /juin /2008 22:05
J’ai longtemps hésité à accepter l’invitation d’Anne de s’évader quelques jours. Un empêchement professionnel m’en fournissait le prétexte, mais surtout je ressentais de la lassitude après quelques rencontres peu conformes à nos attentes. Même nos échanges de courriers tournaient en rond. J’appréhendais qu’il s'installe du silence entre nous, trop de distance, et rien d’autre à jouir que le plaisir de vagabonder dans la nature. Puis le ton de nos messages a changé, quelque chose ayant bougé dans sa vie qui renouvelait la question du désir… C’est avec ce point d’interrogation que nous avons décidé de partir ensemble comme convenu.

Destination : les gorges d’une rivière qui donne à pleins flots. La météo nous y autorise pendant deux jours, puis il faudra poursuivre vers le sud dans une région montagneuse miraculeusement épargnée par les intempéries. Les prévisions se réalisent, comme s’il était plus simple de prédire les caprices des masses nuageuses que ceux d’une rencontre amoureuse !

Le samedi après-midi nous faisons une halte sur les rochers. Beaucoup de monde sur la rivière, en canoé, et des randonneurs sur le chemin. De l’agitation : le gratin de la culture Star Ac’… Anne s’est assise contre mes genoux. Mes mains ont glissé sur son ventre, la droite est allée plus bas pendant que la gauche fait le guet… Elle s’abandonne jusqu’à l’orgasme, confiante dans ma maîtrise de la situation. En réalité, je me suis laissé porter par son plaisir, comme un bateau ivre, sans prêter attention aux passants.
— Alors tu aimes jouir en public ?
— Oui !
Le soir nous avons déplié la tente tout près du bord. Impossible de s’en éloigner à cause de la forêt trop dense, mais je connais cette rivière et aucun orage n’est annoncé dans la région. Le silence nous a rejoints et le froid nous a glissés dans le duvet. Pour moi ce lieu est paradisaque… C’est alors qu’elle s’est déchaînée.
— Ne jouis pas, j’ai envie de te sucer longtemps !
Elle m’a mordu fort, c’est ce que j’attendais avec impatience. J’aurais crié de douleur si je n’étais bâillonné par le plaisir. Dévoration : sa gorge profonde dans la sauvagerie des Gorges… Puis elle m’a pris dans son sexe jusqu’à la jouissance. Je suis lessivé mais plus tard elle me réveillera pour que je la caresse, doucement et longtemps, et que je revienne en elle. Nous y voilà : le lâcher-prise. La forêt étouffe nos cris, seule une tribu de pies osent leurs commentaires dans le silence qui nous entoure.

Le lendemain il fait plus froid car l’orage s’annonce mais la nuit sur les rochers sera encore plus chaude. Même scénario. Je suis émerveillé d’y retrouver la même fougue, le même désir et la jouissance au delà de l’épuisement.

Lundi soir dans une chambre d’hôtes. Sur mon ordi nous visionnons Damage puis le début du film X Paris chic (avec Coralie Trinh Thi) qui nous inspire un ennui total. Il se fait tard et nous sommes éreintés par une longue marche sous la pluie. Le sommeil nous emporte mais tôt le matin Anne revient me chercher. Cette fois elle me laisse la caresser sans avoir pris mon sexe à la racine. Il m’est moins agréable de la pénétrer ensuite ; elle a perçu ma gêne et me fait jouir dans sa bouche. J’adore le goût de ton sperme ! Caresses, encore, puis elle revient à la charge pour que je la pénètre. Je jouis une seconde fois, proche de la transe, au moment où le réveil nous invite à prendre le déjeûner.

Le dernier soir nous déplions la tente sur un chemin de grande randonnée qui longe un torrent glacial. Dans l’auto nous avons regardé une deuxième fois Damage, écouté l’entretien avec Louis Malle et longtemps parlé de cette histoire où les seuls qui disent la vérité sont les mêmes qui font s’effondrer le château de cartes de la famille et de la vie sociale. Nous dormons sans envie de nous toucher. Tôt le matin je me lève pour aller à la rivière. Elle y va de son côté puis vient s’allonger nue au soleil.

Elle me fait l’amour. Sur le GR12 je la prends en levrette jusqu’à crier mon plaisir. C’est la première fois, avec Anne, que j’ai un sentiment de puissance dans cette position. Un ange est passé ? C’est bon de jouir en public.

Épilogue

Elle m’avait écrit que le secret (de son désir) était : « Du soleil, tout notre temps, pas d’hôtel ». Le samedi nous nous sommes revus pour descendre au bord de la mer en pleine nuit. La lune était magnifique au-dessus de la baie. Au réveil j’ai pris un bain sur la plage. Une jeune femme est passée devant moi, les seins nus magnifiquement gonflés, et des mamelons qui gardaient le souvenir d’une nuit d’effleurements. Son compagnon aussi était très beau. Puis les vacanciers du dimanche et des jeunes gens bruyants ont commencé à déferler. Alors nous avons marché et escaladé jusqu’à la baie la plus proche, sous un soleil impitoyable. Caresses sur les rochers ; je la sens partir à la découverte de frémissements inconnus tandis que mes doigts perdent la tête dans son vagin. Nous avons fini par blottir l’un contre l’autre sous une grande serviette, après qu’elle ait subi les morsures du soleil, pétrifiée par le plaisir… Ses doigts aussi ont trouvé le toucher, le rythme, la pression exacte quand elle empoigne ma verge. Elle jouit. Trois femmes âgées sont en train de se mettre à l’eau, à dix mètres de nous, de ma main, de nos sexes. L’une d’elles hésite à cause de l’eau froide. L’autre : « Gisèle, il faut bien te mouiller, après ça tu pourras y aller tout d’un coup ! ». Ben voyons… La chaleur nous repousse dans la forêt, à l’ombre d’un chêne vert où nous reprenons quelques forces avant de poursuivre cette folle exploration. Il lui faudra faire peau neuve pour survivre à ce baptême du feu.

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26 mai 2008 1 26 /05 /mai /2008 18:53
Le temps est à l’orage mais c’est un jour réservé à une descente dans les rochers du bord de mer avec Nelda. Je passe la prendre en voiture. Au début du sentier il ne pleut plus. Une baie est fermée à cause du risque d’éboulement. Nous restons donc sur la petite plage absolument déserte. La mer, très agitée, n’a de cesse de nous arroser les pieds.

Gestes tendres, caresses. C’est bon de contempler son visage fin et de toucher sa peau satinée. Adossée au rocher, elle s’abandonne, je me laisse porter par le désir. Mais, après avoir goûté son sexe…
— Ça va ?
— Pas trop.
Elle pleure. Elle vient de réaliser qu’une fois de plus elle est en train de se soumettre au désir d’un homme, le regard perdu dans le ciel, envoûtée par la force de la nature. Non, ça ne va pas, et pas du tout : en s’abandonnant ainsi, elle se coupe de ses sensations et s’évade de son désir profond. Si je n’avais pas posé de question elle m’aurait laissé faire sans y penser.

Nous laissons retomber l’excitation, enlacés immobiles. Tout a été dit. Puis nous déjeûnons sur le pouce.

Après avoir longuement parlé il nous prend l’envie de quitter la plage pour rechercher l’abri du vent. Quelques promeneurs pointent le nez. Nous remontons dans la forêt, un peu à l’écart du chemin. J’étends mon manteau sur un lit d’herbes et d’aiguilles de pin. Je goûte ses baisers de plus en plus intenses et ses caresses extraordinairement attentives. Cette fois, oui, elle est présente. Je me laisse aimer.

Elle se presse contre moi, sexe contre sexe à travers les habits. Puis elle libère mon arbre pour le serrer avec force. Je roule pour qu’elle vienne sur moi. Elle jouit discrètement. Elle a été d’une telle tendresse que je me sens comblé.

Nous reprenons la route. Il nous reste une demi-heure pour parler à la terrasse d’un café devant le théâtre. C’est un des plus beaux moments de cette journée.

Nelda est belle au point que je n’arrive pas à réaliser que c’est la femme qui me faisait l’amour dans la forêt.

Il s’est remis à pleuvoir.

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25 mai 2008 7 25 /05 /mai /2008 21:14
C’est un scénario habituel, trop habituel : un concert privé, le dîner au restau, une chambre d’hôtel. Une fois de plus, l’intimité qui s’éloigne pas à pas, la sensation d’un temps et d’un espace qui rétrécissent tandis que la magie s’est enfouie sous la couette.

J’ai des reproches à faire à Anne et nous nous écrivons longuement. Elle demande mes mains surtout, mes doigts seuls dans un long monologue érotique qui la conduit à la jouissance. C’est alors qu’elle m’invite à la pénétrer avec toute la vigueur possible. Mais mon désir a perdu sa substance, dilué dans mes doigts et les sillons parfumés de son jardin. Il est vrai qu’elle réveille mon sexe avec quelques caresses, mais il y manquait, au départ, le toucher à la racine. J’essaie de réduire le problème à une question de technique tout en sachant qu’il implique d’autres dimensions sur lesquelles je n’ai pas de prise.

Ce soir j’ai à peine pénétré en elle, bridé par l’injonction de ne pas jouir. Elle avait sommeil et je l’ai raccompagnée chez elle. Nos lèvres ne se sont pas rencontrées.

De retour vers l’hôtel je me suis arrêté pour prendre de l’argent à un distributeur. Une femme se tenait debout au bord du trottoir : une maghrébine d’une trentaine d’années, mince et distinguée, qui bavardait avec des jeunes hommes dans une voiture. Elle a fini par leur demander de partir car elle avait « du travail ». Je n’ai pas réalisé ce que pouvait être son travail à 2h00 du matin jusqu’à ce qu’elle se tourne vers moi en demandant d’une voix très douce : « Est-ce que vous avez envie de faire l’amour ? » Je lui répondu non, abasourdi.

Ce n’était pas son offre de services qui me bouleversait mais la forme qu’elle y avait mise. Car c’est bien la première fois qu’une femme me dit ‘vous’ pour m’inviter à faire l’amour — peu importe que ce soit payant ou pas. Elle n’est d’ailleurs peut-être pas professionnelle du sexe ; une étudiante qui cherche à boucler ses fins de mois ? Me voilà sous le charme d’une personne qui invite un inconnu à jouir de son corps sans rien perdre de sa dignité.

Une fois l’étonnement passé je me suis posé la question : pourquoi n’ai-je pas envie de faire l’amour ? Cette demande était tellement fascinante que j’aurais pu y céder, mais ma réponse était sincère. Après tout elle ne demandait pas si je voulais faire l’amour avec elle en particulier… Non, je n’avais envie de « faire l’amour » avec personne, mais plutôt de « sexe ». Faire l’amour, pour moi, c’est obéir à un désir de fusion qui va plus loin que la mécanique et la chimie du plaisir. Toute la soirée j’avais recherché (et trouvé en partie) « le sexe » sans ce désir de fusion. Alors la jeune femme aurait peut-être pu combler mon désir d’une caresse, mais, faire l’amour, vous n’y pensez pas…

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20 avril 2008 7 20 /04 /avril /2008 13:37
L’autre soir Nelda et moi avons parlé sur sa petite terrasse, accoudés à la table métallique où s’éteignait doucement une flamme de bougie maltraitée par le vent ; puis la seule lumière froide et insolente de la lune éclairait nos visages transis dans les souvenirs de temps de confontation, de détestation, de trahison. Voilà bien un an que nous avons fait la paix, chacun de son côté, un an que je ne pouvais me décider à le lui dire car il y avait toujours une pensée, une intention pour s’interposer dans l’élan du cœur.

Il nous avait même fallu attendre la fermeture du dernier bar pour oser se retrouver seuls dans cet air glacé qui nous a poussés à l’intérieur, côte à côte sous une épaisse couverture. Nos yeux ont supporté les regards, les mots ont su nous réchauffer, puis je me suis blotti dans ses bras, abandonné aux sensations, exempté de l’attente et du renoncement.

J’ai aimé cette vague qui nous portait au pic du désir ; la douceur de ses caresses, l’odeur, le goût de sa peau et de sa bouche, la sauvagerie des frémissements, enfin l’innocence retrouvée au seuil de l’apaisement. Amitié, bonheur silencieux, sans condition… Présence que rien ne presse.
Rien qui m’appartienne
Sinon la paix du cœur
Et la fraîcheur de l’air

(Koyabashi)

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29 mars 2008 6 29 /03 /mars /2008 19:05
Après Piazzola elle m’a fait l’amour.

Les interprètes étaient magnifiques : pianiste, violoniste, bassiste et bandonéon, trois femmes et un homme. Au rappel ils ont joué Oblivion que j’aime tant. Les rappels, c’est ce que je préfère, en musique comme en amour. Anne aime m’emmener au bord de l’épuisement, quand mes paupières se font lourdes, les mains abandonnées à la saturation des caresses. Mes doigts qu’elle a su apprivoiser pour le plaisir, mais qui ne comprennent pas encore la catharsis de la jouissance, quand son regard s’enfuit avec la sensation du temps qui passe.

Au restaurant nous avions tiré le Yiking pour elle. Pour ceux qui ne croient pas aux arrières-mondes (et n’ont aucune raison valable d’y croire) il est prudent de ne faire de divination qu’après avoir pris ses décisions sur un mode rationnel !
Il est avantageux de traverser les grandes eaux.
Supporter ce qui a été corrompu par le père.
Si l’on persiste on connaîtra l’humiliation.
Elle m’a regardé avec ses beaux yeux tranquilles. L’intimité est au rendez-vous, au concert, à table, sur le lit pendant que nous parlons, dans nos corps et dans nos sexes au plus sombre de la nuit.

Ce matin, le rappel. Plaisirs encore plus intenses, puis elle est venue sur moi goûter mes dernières forces. Nous avons quitté la chambre à midi.
— Je viens de réaliser que [mon homme] a toutes les raisons de comprendre, pour de fausses raisons, qu'il y a quelque chose entre nous.
— Mais voyons, il n’y a rien entre nous ! :-)

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28 janvier 2008 1 28 /01 /janvier /2008 13:49
amants-poissons.jpg Ma dernière rencontre intime avec Iliane est longtemps restée le point culminant de ma vie amoureuse. J’ai attendu quelque temps la promesse d’un recommencement tandis que la vie nous maintenait à l’écart. Mon amante « céleste » est retournée vivre parmi les humains, en prise avec le quotidien de son existence, tandis que je cultivais le souvenir de cette expérience. Puis il a fallu me rendre à l’évidence que ce rêve d’un horizon au delà de l’horizon n’était qu’une chimère. Pour Iliane, comme pour ceux qu’elle a mis dans la confidence, notre relation est une sorte de communion spirituelle échappant à toute description raisonnée. Quant à moi, je rêve que la magie revienne, frisant l’éblouissement lorsque nos chemins se croisent sans vraiment se toucher.

Nous avons attendu. Un an, deux ans ont glissé autour de propositions de rencontres, comme les eaux d’un fleuve le long des flancs d’un navire en panne. Il y avait toujours un événement, un amant encombrant ou une ambiance inappropriée qui remettaient le projet à plus tard. En fait nous ne nous sentions pas prêts.

Puis elle m’a écrit : « Demain, si tu peux, ma porte est ouverte. »

Je n’ai pas réfléchi au sens de ma visite pendant les six heures de trajet. Trop d’inconnues, problème sans solution, voir sur place. Être soi-même et non pas ce qu’on souhaiterait être. J’ai mis sur l’iPod la suite de ce que raconte Michel Onfray au sujet de Lucrèce… Il se trouve que j’en étais à ce point de l’écoute de ses conférences à l’Université populaire de Caen. Avec sa philosophie de l’amour-passion et sa célébration du « couple ataraxique » Lucrèce ne pouvait pas mieux tomber pour donner un peu de cohérence à mes pensées.

Ces deux derniers jours Iliane est restée clouée au lit par des tensions douloureuses. Elle me l’a annoncé au téléphone juste avant que je prenne le train.
— Est-ce que tu pourras décoincer mon dos ?
— C’est à voir. De toute manière ça ne peut pas empirer, pas vrai ?
En même temps je prends connaissance d’un message de Catherine qui souffre d’un lumbago et s’inquiète au sujet de la soirée que nous nous sommes réservée la semaine prochaine… Qu’ai-je fait au bon dieu pour mériter cela ?

Iliane me prend à la gare dans une auto dont le chauffage est en panne tandis que le moteur est proche de l’ébullition. Image évocatrice de notre relation ! Nous dînons tranquillement, sans effusion inutile mais comme toujours avec une attention méticuleuse aux formes, matières et couleurs des ustensiles. Les repas pris ensemble sont souvent des rituels improvisés. Elle est toujours aussi mince et j’aime la regarder manger. Nous communions avec les saveurs sans nous toucher autrement que par des mots anodins assortis de clins d’œil et de sourires. La conversation tourne autour des assiettes sur la table ronde : notre relation, nos proches, les événements qui ont compté ces derniers mois, les lectures qui m’ont marqué, entre autres « L’intelligence érotique » d’Esther Perel et « Ma mère » de Georges Bataille.

La vaisselle rangée, il est naturel de se retrouver sous une douche brûlante, puis enlancés dans la tiédeur accueillante de la couette, son sexe tendrement pressé contre le mien palpitant de plaisir. Il n’y a eu aucune négociation de ce qu’il devrait advenir de notre intimité dans les conditions actuelles de notre relation. Aucune contrainte, sinon celle, classique entre nous, de demeurer attentifs au présent et à la présence. La bulle magnétique de l’attraction érotique s’est reformée autour de nous ; les corps sont émoustillés mais le désir sauvage n’est pas au rendez-vous. Plaisir et douleur enlancés nous invitent à découvrir ce qui rend la fusion amoureuse insupportable. Notre cheminement hors du quotidien emprunte des sentiers escarpés peuplés de dragons — nos émotions, nos peurs, nos illusions — qui ne nous autorisent pas à danser dans l’insouciance.

Nous sommes en fusion mais en décalage sur le plan des émotions. Mon désir s’est sublimé en satisfaction béate, comme si nous venions de connaître la jouissance. Cette sensation ne me quittera pas pendant le séjour. Mon amante y participe par des caresses maternantes — ne remplacé-je pas l’ours en peluche qui lui sert d’oreiller ? — mais dans son for intérieur elle gravite violemment du désir au rejet, du plaisir au dégoût, de l’abandon voluptueux à l’étouffement. Des tensions dans son dos, des douleurs dans ses seins cherchent l’apaisement de mon toucher sans prêter attention aux caresses. Parfois le désir (de la pénétrer et de jouir) me submerge et mes gestes deviennent possessifs. Elle se sent comme prise sans pouvoir se débattre. Puis les énergies et les pensées reviennent à l’équilibre et nous nous laissons bercer par la félicité.

La nuit je vais dormir seul dans l’autre chambre, comme à l’accoutumée. La course-poursuite est suspendue pendant quelques heures pour nous laisser reprendre des forces. Le matin, après une douche purificatrice, je reviens près d’elle. Elle est loin d’être aussi tendue que lors de nos rencontres précédentes, ce qui me permet de réaliser le chemin qu’elle a parcouru sur la voie de l’autoguérison. J’ai avancé aussi, de mon côté, vers une meilleure compréhension des mécanismes d’enfermement. Nous sommes tous deux passés à la vitesse supérieure pour régler les problèmes, même si la tâche nous paraît encore rude.

Un matin je l’ai trouvée assise sur son lit en train de méditer. Côte à côte nous sommes restés en silence, seuls avec nous-mêmes, accordés.
— La toute première fois que nous nous sommes rencontrés c’est ce que j’avais prémédité : partager quelques heures de silence et rien d’autre. Dans « l’être » et non dans le « faire »…
— Oh…
— Puis on s’est touchés, tu es venue sur moi, écrasant mon sexe avec le tien en criant : « J’ai envie de faire l’amour ! »
— Oui.
— Alors on s’est caressés jusqu’à satiété, on s’est retrouvés nus mais sans faire l’amour pour diverses raisons que tu avais invoquées. J’ai contemplé ton corps abandonné à mon désir, en toute confiance, j’ai aimé ta beauté, ce qu’elle produisait en moi, anticipant cette relation qui passerait par le sexe…
— Au détriment du silence…
— Ce silence ne pouvait pas exister dans l’orbe du désir. C’est pourquoi nous nous sommes livrés au bricolage.
— C’est exactement ça : du bricolage !
— Mais ce bricolage nous a quand même emmenés dans un monde insoupçonné.
Plus tard j’ai repensé à cela en écoutant la chanteuse tibétaine Yungchen Lhamo, les yeux fermés, pendant qu’Iliane prenait un bain et que je projetais mes pensées dans l’eau ruisselant sur sa peau.

Un soir nous avons ri comme des malades au cabaret-cirque.

Le dernier matin j’ai été en contact avec ses douleurs, massant légèrement les fascia autour de ses seins, puis ses épaules et son ventre. C’est alors qu’elle a pu exprimer la douleur psychique dont elle était prisonnière, démontant une mécanique de l’enfermement qu’elle venait de reproduire avec moi mais qui perturbe ses relations avec tous les hommes. Elle est captivée par l’intellect et l’assurance de l’homme — ou l’idée qu’elle s’en fait. L’homme tisse sa toile autour d’elle, comme une araignée, avec des mots qui la bercent et la paralysent. En même temps elle a peur d’être abandonnée par le père/protecteur/amant. Alors, à son tour, elle tisse une toile autour de lui, mais cette toile est faite de pure énergie érotique. Elle ressent un besoin vital d’être désirée. L’homme se laisse faire, y trouve son plaisir, mais très vite elle souffre de se sentir enfermée, dominée et incomprise.

Nous entrons dans une analyse bienveillante de ce processus. Il n’est pas question de le condamner ni d’en négocier le remplacement par un autre plus raisonnable, mais de comprendre les avantages que chacun de nous en tire, et qui justifient que nous l’entretenions. L’enjeu de notre rencontre se révèle à nous comme un monstre à plusieurs têtes dont les unes expriment la félicité alors que les autres sont menaçantes.

Elle reçoit plusieurs appels téléphoniques de personnes qui ont besoin d’elle en urgence. Nos questionnements se mêlent à ces demandes ; autrement dit, notre histoire privée se prolonge dans sa vie sociale, pour le plus grand bien de sa confiance en soi. Elle peut observer que je me sens concerné sans que cela produise un jugement ni une quelconque approbation. Ce qui signifie que je ne suis plus un point de référence pour elle, ni un garant de sa stabilité ; elle sait marcher sur ses deux pieds.

Il nous restait une demi-heure d’intimité avant que je reparte à la gare. Nous sommes restés enlancés, presque silencieux. Puis elle a pris sa guitare. Il paraît qu’elle n’a pas chanté depuis des semaines, mais bizarrement sa guitare est accordée. Elle me dit « désolée pour Sarko » puis entonne « Quelqu’un m’a dit… » de sa voix que j’aime tant. Une voix qui m’accompagnera pendant les six heures du retour.

J’ai résumé pour elle un extrait d’ouvrage sur la sexualité féminine selon le Tao, version féministe nord-américaine. Il y est question de l’ambrosie, des trois « fluides sacrés » de la femme et des orgasmes qui vont avec. Nous avons cherché ensemble, sur elle et dans un gros atlas, des détails anatomiques comme les orifices des glandes de Skene… Son sexe joliment épilé était comme un livre ouvert, une cathédrale gothique qui ne peut s’empêcher frissonner de peur/plaisir si un doigt curieux s’aventure à entrouvrir les lèvres.

Elle m’a montré des bijoux qu’elle joue à accrocher au capuchon du clito, à ses mamelons et au prépuce de son amant. Nous étions comme deux enfants cachés dans la buanderie pour braver les interdits. Plusieurs fois j’ai imaginé glisser mon sexe dans le sien mais il y manquait la rosée qui m’aurait rendu fou.

Plus tard j’ai compris que ce que nous vivions était plus subtil que l’évitement de la jouissance. Il se passe quelque chose de particulier dans notre intimité. Le contact sensuel me met en relation avec la rencontre extatique vécue il y a deux ans, comme si j’étais resté en suspension dans un bonheur inaltérable. Nous avons l’impression diffuse que, si nos sexes s’accouplaient une nouvelle fois, ils nous feraient retourner à des sensations « ordinaires » que nous pouvons vivre plus intensément avec d’autres partenaires. Telle est notre conviction, en ce moment même, ce qui n’exclut pas qu’une autre fois nous ayons envie de vivre d’autres accouplements mystiques.

L’intimité sensuelle avec mon amante « tantrique » est ennivrante, plus précieuse que les spasmes de la jouissance, et paradoxale puisque la tension du désir est bien présente. Mais je ne voudrais pas utiliser cette expérience pour faire l’apologie d’une sexualité « dématérialisée ». Bien au contraire, il ne me semble pas possible de vivre quelque chose de semblable sans un long parcours de découverte d’une puissante osmose sexuelle.

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20 novembre 2007 2 20 /11 /novembre /2007 00:00
Le temps d’un inspir. Gould était au piano. Elle me serrait dans ses bras pour nous réchauffer. Au parfum capiteux de sa chevelure et de la laine sur ses épaules s’est mélangée l’odeur incertaine d’une gorge chargée de tabac. Ou bien serait-ce une matérialisation du piano ? Le temps d’un inspir. Laine, haleine. Ivresse amoureuse surgie de l’oubli, sous le pull un cœur de femme aux mains virtuoses. C’est toi, mon amour ? J’ai goûté la peau de son cou avec la pointe de ma langue. Non, c’est elle. La musique s’est enfin détachée de mon amour musicienne. Nous dansons presque immobiles dans un balancement gauche et subtil. Aimer sans passion.

Il me plaît de lui faire à manger pour chauffer son ventre. Mise en bouche avec un fruit au goût de sexe de femme. Puis une céréale et des légumes. Coriandre et cumin relevés au curcuma. Nous buvons du romarin. Aujourd’hui elle me fera goûter un baiser parfumé au miel : trop bon, il vaudrait mieux ne pas en abuser ! Nous partons immédiatement marcher à travers la campagne, franchir des routes, escalader des collines odorantes. Ayant perdu le nord nous traçons un grand cercle alors que je me croyais dans la direction opposée. Revoici le chemin du retour à travers les vignes. Il faut y penser car le soleil baisse et le froid va nous manger les entrailles.

Pour moi c’est un jour de fête. Tant de fois j’ai rêvé de la conduire ici et de marcher près d’elle dans cette forêt que j’ai peuplée de fantasmes. Ici, un arbre auquel je pourrais l’attacher pour lui faire l’amour. Je n’en ai aucune envie mais il me plaît d’y penser. Il suffit de remplacer les arbres par des mots et les cordes par des sentiments effilochés au fil du vent.

Je ne sais pas lequel de nous s’est arrêté à la lisière d’une vigne. En tout cas, nous sommes enlacés une nouvelle fois. Pas un instant je n’ai cherché à savoir si des paysans, des promeneurs ou des chasseurs pourraient nous voir. Dans ses bras je suis nulle part — peut-être invisible.

Anne me donne une fois ses lèvres puis m’embrasse pour de vrai. Avec une infinie délicatesse, elle me laisse le temps de goûter la chair de sa bouche, son souffle et sa langue au son de paroles imprononcées. Je la vois fermer les yeux tandis que nos lèvres restent en suspension, se touchant à peine, son beau visage tourné vers le haut comme si elle attendait que l’éternité lui donne un baiser… Que les désirs des hommes se joignent au sien pour aller vers lui, son amoureux. Alors, mon désir aussi. Puis elle se redresse, soulevant très lentement ses paupières pour croiser mon regard paisible.

Je reste stupéfait, ébloui par ces baisers qui gagnent en intensité alors que nous ne faisons rien d’autre que respirer des effluves de bonheur. C’est une ronde voluptueuse qui n’en finit pas. Danse démesurée hors des sentiers tracés. Quelque chose qui vire à l’horizontale, revient et recommence, jamais à l’identique. Je n’ai pas envie de choses qui montent droit comme la jouissance du ventre.

Alors que je pourrais me perdre seul dans cette contemplation, je reviens sur terre car elle s’est mise à pétrir mon sexe à travers les vêtements.
— (Moi) J’ai envie de toi.
— Alors, fais-moi voir ton désir !
Cette fois j’ai osé prendre possession de sa bouche, dévorer son amour.
— Pas mal !
Mais c’est un autre désir qu’elle attend. Pour cela, elle ouvre ma ceinture. Un souffle de vent froid sur ma verge, et tout de suite ses mains gantées de laine. C’est une sensation nouvelle et délicieuse. Elle caresse longuement ma racine tandis que nos bouches continuent leurs ébats. De temps à autre je risque une main contre sa peau. J’ai tenu son sein gauche en entier, fièrement gonflé comme une voile, le temps d’exaspérer l’autre désir, celui de la pénétrer avec mon sexe. Puis j’attrape l’autre à travers le gros pull, glissant la bosse du mamelon entre deux doigts.
— Je le pince !
— Tu me fais mal…
Je voulais pincer fort jusqu’à ce qu’elle me supplie d’arrêter. Pas pour qu’elle souffre, bien sûr, mais parce que mes mains en ont rêvé.

Depuis qu’elle s’est emparée de mon sexe elle voudrait que je fasse de même avec le sien mais je n’ai rien compris. Alors elle fait signe à mes mains incrédules de la toucher. Le plus agile de mes doigts prend un bain impérial dans le nectar qui coule entre ses cuisses. Je voudrais qu’elle prenne du plaisir, là, tout de suite, on appuie sur le bouton et c'est emballé. Mais comme mes doigts ne savent que répéter des gestes appris, des automatismes, je finis par les laisser se vautrer comme des enfants qui pataugent dans une flaque. Au moins, qu’ils y prennent plaisir !

Je voudrais que ma verge devienne encore plus douloureuse dans les mains qui la malaxent avec force. J’appuie sur sa tête pour qu’elle s’accroupisse et me prenne dans sa bouche. Elle ne veut pas. Encore une fois, j’ai aimé la forcer doucement et sentir sa résistance. Elle me fait comprendre que son sexe pourrait rencontrer le mien. Je le plonge dans l’espace entre ses jambes. Position debout, très inconfortable pour nous deux.
— Tu n’y arriveras pas comme ça.
— Alors contre l’arbre, là bas.
Nous remontons dans la haie. Elle s’accroche au tronc, je baisse un peu son pantalon et m’appuie contre sa croupe, glissant ma branche le long du sillon velouté, puis la pénétrant en m’aidant d’une main.

La chaleur somptueuse de son sexe autour du mien un peu transi. Retour à la matrice. Le vent froid sur nos fesses et ses cuisses qui refroidissent sous mes mains froides, comme celles d’une morte. Vivre, vite. Envie de jouir.
— Tu n’as pas envie.
— Tu as raison, j’ai froid.
Comme s’il était nécessaire de jouir… Aujourd’hui je m’étais programmé pour que mon sexe ne touche pas le sien. Il fallait que nous respections le « territoire » de la maison et il n’aurait pas été raisonnable de se découvrir alors que nous marchions d’un pas vif à travers l’engourdissement de la forêt. Mais elle a répondu un besoin que je n’osais pas exprimer, celui de faire aller et venir mon sexe deux ou trois fois dans la volupté de son vagin. Il n’en fallait pas plus pour relier le ciel et la terre.
— Alors, aujourd’hui, pas de colère ?
— Tu parles ! Je suis comblé, merci.
Merci merci merci. Elle me donne toujours plus que je pourrais demander. Plus qu’elle ne voudrait donner.
— J’aimerais t’embrasser… pendant un an !
Ce n’est pas ce que je voulais dire mais je n’ai pas trouvé pas les mots. Il y a une intimité plus profonde dans nos baisers que lorsque nous accouplons nos sexes. Je comprendrai plus tard que la différence tient à moi, au lâcher-prise dont je suis capable. Car j’ai envie des deux, bien entendu.

Nous sommes rentrés après avoir grappillé des raisins épargnés par la vendange, presque confits sous le soleil d’automne. Encore une boisson chaude, le baiser au miel, les Inventions à deux voix, à trois voix, les Suites françaises et autres préludes de Bach.

Elle avait hâte de lire son courrier, un message de son amoureux. Elle l’a lu puis m’a embrassé les yeux fermés. Je jouis de son bonheur comme un vrai parasite.

[Suite]

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11 novembre 2007 7 11 /11 /novembre /2007 00:00
Le cœur hilare et le sexe en colère. Le sexe avait tout prévu, rester en ville et louer une chambre d’hôtel pas trop minable, sauf que, pendant qu’ils arpentent les rues sous une bise glaciale le sexe de la femme annonce au sexe de l’homme : « Ce soir je ne vais pas rester avec toi, je n’ai pas envie de faire l’amour. » A-t-elle dit « l’amour avec toi » ou « l’amour » tout court ? C’est sans importance et sans incidence sur les heures à venir. Mais elle a quand même laissé ses affaires dans la chambre, le temps qu’ils trouvent un restaurant pour se faire servir quelque chose de chaud. Le sexe désirant aime manger chaud quand il ne peut pas s’accoupler ; et, puisque le sac est resté en otage dans la chambre aseptisée, le sexe désiré y retournera au moins cinq minutes, le temps d’imprimer une légère empreinte sur le lit pas encore défait, où l’ami pourra poser sa tête et rêvasser pendant des heures, le temps d’évacuer sa frustration.

Le sexe n’avait rien compris mais le cœur savait. Ils étaient là, allongés tout habillés sur le lit, car elle avait quand même tenu à rester, un moment, deux moments, aussi loin que l’y autoriserait l’avancée de la nuit. Elle avait commencé par s’asseoir, prenant la tête de son ami entre ses cuisses pour caresser son torse, mais pas trop longtemps car cette caresse faisait monter le désir de l’homme au-delà du supportable. Elle ne voulait pas qu’il souffre. Elle lui a demandé s’il se sentait bien qu’elle reste près de lui, s’ils pouvaient s’aimer sans faire l’amour. Cette demande l’a touché au fond du cœur.

Ensuite elle est là, allongée sur son côté droit, belle à mourir, les yeux pleins de vie comme un lac pendant la saison des pluies. Remplie de ce bonheur qui déborde et inonde son entourage. Il s’est blotti contre elle, nu sous la cascade, jusqu’à se sentir comme un bébé qu’une jeune mère aspergerait amoureusement dans le bain. Les bébés aussi ont des érections, tout va bien, monsieur le sexe ! On ne vous oublie pas, mais, je vous en prie, ce n’est pas le moment de troubler la surface du lac. Pas le moment de briser le reflet fragile de ce cœur émerveillé qu’elle étale grand ouvert.

Et puis il se sent comme s’ils venaient juste de faire l’amour, dans le prolongement des jeux sauvages dans la forêt, si proche, et pour elle d’une rencontre amoureuse encore plus proche. Il n’a rien dit de cette sensation, car il ne lui paraît pas convenable de prononcer à la suite « nous », « faire l’amour », « jouir »… Ces mots ne leur appartiennent pas aujourd’hui. Il veut se glisser dans son bonheur à elle, jusqu’à sentir la présence de son amoureux et devenir un simple témoin de l’amour qu’elle lui raconte. Il sait que ce n’est pas cette présence qui leur interdit le sexe — aucune rivalité n’est en jeu — mais plutôt son besoin à elle de savourer ce qu’elle vient de vivre. Ils sont chacun dans le prolongement de frémissements de vie qu’on ne refait pas, et qu’il convient de laisser fondre doucement, jusqu’à ce qu’il n’en reste que des souvenirs, des pages écrites, des mots prononcés. Il est heureux qu’elle parle, ce soir, il voudrait qu’elle ne s’arrête jamais.

Le sexe a compris et il se tait. Le cœur se glisse en riant dans chaque enfractuosité des mots tendres. Il l’aime plus que jamais : elle qui l’a mis nu, pas seulement dans la forêt, adossé à un arbre en plein jour, mais aussi dans leurs pensées et leurs rêves pendant la longue traversée. Elle l’a pris nu et lui a tout donné : du désir, la jouissance de son corps, une flamme de vie qui s’est transformée en brasier, l’invitation à venir en elle, dans l’onctueuse volupté de son sexe mais aussi dans les arcanes tumultueuses de son histoire de femme. On n’a pas l’un sans l’autre, une fois scellé le pacte d’amitié. Il s’est invité en elle, elle s’est invitée en lui.

Elle lui a demandé s’il voulait bien la masser. Le sexe a gêmi dans son sommeil comme s’il venait de faire un mauvais rêve. D’abord il n’aime pas masser à travers des habits, elle le sait mais il n’ose pas le rappeller : elle a peut-être froid, ou peur qu’il vienne sur elle comme un chien fou ? Peu importe, il a glissé ses mains sous le pull pour toucher la peau de son dos. Elle a fini par le quitter. Sa peau est de plus en plus douce à mesure que s’éloignent les morsures du soleil. Le sexe se frotte les mains. Difficile de masser quand le désir est tapi dans l’ombre, mais à aucun moment elle ne lui fait subir l’épreuve du rejet, ni celle, encore plus humiliante, de « je veux tes mains mais pas ton sexe, pas tes lèvres, rien de mouillé de toi ». Elle sait ce qu’il a vécu, elle a entendu cette souffrance et fera attention à lui comme on fait attention à ce qu’on offre à boire à un ancien alcoolique.

En réalité elle a envie d’être pétrie, touchée vraiment, pour une fois sans aucune idée préméditée. Ils ont été privés de ce toucher, pendant leurs rencontres, trop occupés de connaître la réponse aux désirs, aux non-désirs, bien que parfois leurs peaux se frottent jusqu’aux convulsions du ventre, mais sans se toucher réellement. Se toucher. Ils y ont pensé tous deux avec conviction, ils savent ce que cela implique de spontanéité, mais la pensée, le plus souvent, s’interpose. Ou bien c’est un peu de lâcher-prise au seuil de la jouissance, mais si peu. Aujourd’hui, le sexe neutralisé comme une ruche enfumée, elle lui donne l’occasion de toucher pour de vrai… Il en a envie, il a fait un pas dans cette direction, même si ses mains restent malhabiles et la peau de ses doigts exaspérée par la sensation macabre des chairs à travers un tissu lisse et noir. Le sexe dit qu’il vaudrait mieux qu’elle s’en aille au diable, que son corps disparaisse hors de portée de ses mains, de ses muqueuses, de sa vue. Sans être une épreuve c’était un moment difficile, mon amie. Elle :

Elle sait que c’est frustrant pour lui qu’elle lui ait dit aussi abruptement qu’elle ne ferait pas l’amour avec lui. Elle sait aussi qu’elle peut lui faire du bien autrement. Juste en étant proche de lui. Physiquement. Alors elle s’allonge près de lui, les yeux fermés, en silence. Elle est bien près de lui, et elle pense à lui. Son amoureux. Ils restent comme ça longtemps. Dans sa tête, le 4e morceau de « L’Allegro, il Penseroso ed il Moderato » de Haendel vient jouer. Il l’a touchée, déjà. Plus elle pense à lui, plus elle a envie de faire l’amour. Elle hésite, longtemps. Elle sait qu’elle n’a qu’à demander, que son ami n’attend que ça. Pourtant, elle ne dit rien.

Le temps s’est arrêté mais l’heure a continué à tourner. La femme aimée revient à la surface, il est temps qu’elle rentre chez elle et se fasse couler une douche brûlante en écoutant de la musique. Il a apporté des disques qu’elle aimera mais pas de quoi les écouter. D’ailleurs, tout est à moitié ce soir : la conférence dont ils ont manqué le début, les fruits qu’il a achetés alors qu’elle avait envie de chaud, une rencontre amoureuse sans les sexes, et pour finir, elle, qu’il aperçoit un instant nue jusqu’à la taille dans son pantalon, beauté solaire en haut et noirceur lunaire en bas. Tout est à moitié mais cela n’a rien de dramatique car la plénitude est dans leurs cœurs. Une seule chose : il est temps qu’elle parte.

Elle a bien envie qu’il la raccompagne chez elle. Non, il n’essaiera pas de monter — pourquoi a-t-elle peur qu’il insiste ? Ça lui plaît de marcher un peu même si les rues sont désertes et balayées par un vent glacial qui achève de pétrifier ses organes. De loin on aperçoit deux prostituées à l’angle d’une rue. L’une est blonde et presque jolie. Il s’imagine un moment lui confiant son sexe pour calmer sa colère. Il suffirait de pas grand chose, un orifice féminin ou des mains expertes, et ce constat le détache du désir insensé de troubler le lac tranquille de son amour. Si elle se doutait de ce à quoi il a pensé en croisant les filles… Elle n’a peut-être même pas remarqué leur présence, emmitouflée dans son foulard. Aucun risque de folie car il n’a rien d’autre en poche que la clé de la chambre et son sexe dressé.

Une dernière embrassade. Ils se quittent. Les corps se séparent mais il garde dans un coin secret le goût du baiser qu’il aurait volé si Anne ne le lui avait pas donné avant de partir de la chambre. Son cœur est un peu lourd, mais serein, alors qu’il refait le chemin dans le dédale des rues froides, pour retrouver la chambre à l'odeur insupportable. Le lit où elle est passée, comme un mirage. Il s’y allonge sur un matelas de tristesse, caresse son sexe et ne tarde pas à s’endormir. Heureux.

[Suite]

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1 novembre 2007 4 01 /11 /novembre /2007 14:58
— Dis, quand la glaire cervicale devient moins visqueuse, est-ce que ça veut dire que l’ovulation est passée ?
— …
— Et passé 48 heures, il n’y a plus de risque ?
— Euh…
— Enfin, toi, tu es bien un spécialiste de ça, non ?
— Je ne sais pas répondre. Franchement je serais prudent dans ce cas.
— Alors tant pis pour toi !
Il a adoré ce « tant pis pour toi ». Traduire : « Cet après-midi je vais faire l’amour avec toi, tu viendras en moi, je veux bien que tu jouisses si tu ne risques pas de me féconder ». Il aime entendre une femme annoncer qu’elle va faire l’amour avec lui. Même si elle se contente de dire : « Tant pis pour toi ».

Ce matin, quand Anne est arrivée au rendez-vous sur un parking presque désert, avec son polo bleu clair, pointes de seins en érection, et qu’elle l’a surpris plongé dans Septentrion en quête d’orgies (page 65 : « Le foutre commençait à gargouiller sous elle »)… Quand elle l’a longuement serré dans ses bras et embrassé à pleine bouche, il y avait des hommes au travail tout près qui auraient aimé entendre ce « tant pis pour toi ». Non qu’il se soit senti comme un prédateur fier d’exhiber son trophée, mais dans ce moment de bonheur intense il voulait oublier leur présence, le monde et toute idée de presséance.

Toucher sa peau, enfin. Sa peau sous le soleil. Peloter ses seins comme un sale gosse…

Ils ont acheté un peu de pain aux olives et aux raisins. Encore une fois il a aimé qu’elle l’invite à enrouler ses bras autour de sa taille pendant qu’ils faisaient la queue à la boulangerie. Personne ne les connaît dans cette ville et c’est un soulagement de montrer qu’on ne craint pas la foudre du jugement d’autrui.

Elle lui offre ses lèvres, sa bouche avec plus de ferveur et c’est nouveau pour lui. Il se rend compte qu’il ne sait pas « faire » : il se laisse plutôt faire, mais il en redemande, il ose prendre, ce qui est nouveau aussi.

Ils ont garé la voiture dans un parc naturel au-dessus de la mer. C’est une forêt méditerranéenne semblable à celle où elle s’est fait photograhier nue. Des images qu’il regarde encore avec désir car il ne se lasse pas de la rêver. Elle n’avait pas froid, sur ces photos. Pas de ronces, pas besoin de chercher un sentier isolé, un endroit où l’on ne sera pas dérangé, avec quelques rayons de soleil. Inutile de penser qu’on n’a que quelques heures devant soi et qu’il faudra rentrer avant la nuit, se séparer. Il a envie de faire l’amour avec ces photos imprimées dans la tête. Elle ne pourra pas se mettre entièrement nue à cause du froid, mais elle sera nue dans son rêve éveillé.

Ses seins sont sensibles à cause de l’ovulation (déjà passée ?). Tant pis s’il a envie de les pétrir, de mordiller les mamelons, il garde ces folies pour plus tard et la pénètre sans plus attendre, car son sexe crie famine de retrouver le sien.

Il ose prendre — même s’il est encore maladroit, hésitant, s’il dit encore « pardon » quand il l’écrase ou lui fait mal. Elle lui laisse le temps de découvrir cette force nouvelle, de grandir, de libérer son corps après avoir libéré sa tête. Il se sent vraiment aimé.

Parfois son plaisir à elle monte haut et il est aux anges. Il en oublie de garder le rythme, l’intensité, et finit à contresens comme un danseur débutant piétinant le pied de sa partenaire. Il oublie cela aussi car elle ne proteste pas.

Elle ferme les yeux. Elle pense à son amoureux, sans doute, tout en donnant du plaisir à son ami. Elle offre à son ami le désir d’un autre. Tant pis pour lui, il aime trop cela !

Il sent son désir d’enfant même si elle n’y pense pas consciemment. C’est une qualité encore plus jouissive des fluides dans son vagin. Il a dit à son corps de faire attention et son corps obéit.

Plus envie d’inonder son sexe. Il lui dit : « Je n’ai plus de territoire ».

Son plaisir monte, il traverse des mini-orgasmes avec spasmes et tensions, tandis que sa semence reste puissamment bloquée au fond de son ventre. Plusieurs fois. Ils pourraient faire l’amour ainsi pendant des heures, si son corps n’était pas fatigué par le sol caillouteux, le déclin du soleil, la morsure du vent — aujourd’hui c’est le jour des Morts, n’est-ce pas ?

Il ne sait plus dans quelle position elle s’est arrêtée de bouger les reins pour serrer son sexe presque immobile, dans une pulsation amoureuse. Il a rarement été serré aussi fort par le sexe d’une femme. Chaleureusement, généreusement, divinement. Le merveilleux sexe de sa tendre amie… Le sien grandit chaque fois qu’elle serre. Bien sûr elle le prend pour fou quand il annonce que son phallus est devenu immense — autant que le sachet en plastique qui enveloppait les pains — mais ça lui est égal : il connaît cette sensation d’immensité et sait où elle l’emmène. C’est à lui de cheminer et de trouver.

Mais il fait froid et ils éprouvent le besoin de bouger. Il adore qu’elle prenne son sexe dans une main, tantôt par petites pressions pour le faire durcir, tantôt pour en frotter l’extrêmité, saturée de sensations, contre sa vulve et son clitoris. Il aime cette main qui le caresse en se caressant, tout en sachant que, lorsque le désir sera insupportable, il pourra encore plonger dans son ventre. Mais il ne tiendra pas jusqu’à ce qu’elle jouisse car ses genoux deviennent douloureux sur le sol caillouteux.

Pendant qu’ils sont accouplés il glisse les doigts dans les replis de sa vulve. Il tient à ce que ses doigts prennent part à la fête bien qu’ils n’aient pas pris le temps de la caresser avant qu’il ne la pénètre avec son sexe. C’est un délice de sentir sa fontaine visqueuse, de glisser sur cette onctuosité, de la sentir ouverte, possédée.

Elle s’est allongée sur le côté pour qu’il se glisse en elle. Maintenant il fait l’amour avec cette photo où elle dort nue sous les arbres. Chaque coup de reins lui rappelle l’effort et le plaisir de ses pas lorsqu’il marche en forêt ; cette marche matinale où il pense souvent à elle, puisque c’est elle, avec ses mots, ses images et le désir qu’elle a fait naître en lui, qui l’a amené à retrouver pas-à-pas une relation de bon voisinage entre le corps et l’esprit.

Il aimerait marcher en elle pendant des heures, mais son corps commence à se fatiguer et son sexe perd un peu de vigueur. Alors elle se lève et l’invite à la suivre à travers les ronces. Il a tout de suite compris qu’elle l’emmènait près d’un arbre contre lequel elle pourra s’appuyer, penchée en avant, car c’est dans cette position qu’elle a le plus de plaisir à accueillir le sexe de l’homme. Il sait que son amoureux l’a prise ainsi et qu’elle était émerveillée qu’il sache pénétrer et ressortir entièrement sans effort. Mais après un essai elle se retourne, le plaque contre l’arbre, nu dans la forêt, elle s’accroupit et le prend dans sa bouche pour le faire jouir. « Serre avec tes dents… Oui, encore plus fort ! » Cette fois-ci c’est elle qui n’ose pas, il y trouve un brin de revanche, et il crie de plaisir.

Ils ont repris la route à la tombée de la nuit. Il aime qu’elle pose sa main sur lui. Il ne sait plus comment la remercier… Ils parlent d’amour, d’amitié, de vie sociale, des projets pour cette vie dans laquelle elle s’installe après une longue absence, un voyage dans l’espace et plus récemment en elle-même.

Le lendemain il s’est réveillé avec une sensation de jouissance au bout du sexe dressé et une petite douleur au genou. Il en a conclu que ce n’était pas un rêve. Au petit-déjeûner une amie était en visite. Il a posé sur la table les pots de confiture offerts par son amante, entre des croissants et du beurre de cacahuètes. Sa compagne a souri en lisant les étiquettes mais n’a pas demandé qui les avait rédigées. Il le lui dira demain. La vie est tellement plus simple quand on ne cherche pas à la rendre compliquée.

Quelques jours plus tard il lui écrit :
Je n'arrive pas à imaginer qu'un amant puisse se lasser de faire l'amour avec toi. Car plus je te goûte plus mon désir est fort, et rencontrer ton plaisir en mutiplie les effets comme dans un jeu de miroirs. Je te désire follement et tu ne manques pas. Ça me plaît que tu ailles vivre des plaisirs bien plus intenses un autre homme que tu aimes d'un amour irraisonné. Pour lui la marée haute et pour moi la marée basse : la saveur est intacte !
Érection matinale. Tendre érection qui me rappelle, au sortir du vertige ouaté des rêves, que je suis vivant. Je suis matière, je suis jouissance.
Nous sommes entassés, hilares, sur l’escalier roulant de la nymphomanie héréditaire. C’est l’ascension du ciel. Le déclin ici-bas. Ma verge droite, enflée, est un charbon ardent. Pierre angulaire de la continuité. Flambeau écarlate. Louis Calaferte, Septentrion, p. 62.

[Suite]

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