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31 juillet 2011 7 31 /07 /juillet /2011 10:04
OnSamuse.jpg Un des plus célèbres auteurs français de romans policiers a déclaré sans honte qu’il avait besoin de consommer de la prostitution trois fois par jour pour assouvir ses besoins… Aujourd’hui il serait pointé du doigt comme un individu dangereux et pervers. On peut s’amuser entre ami-e-s, tous âges confondus (pas vrai TB ?) mais payer pour du plaisir, rien ne va plus !

Certains hommes vivent très mal leur dépendance au sexe tarifé, confrontés à un gouffre d’incohérence entre leurs escapades sexuelles et une vie familiale soucieuse du qu’en-dira-t’on. Ce décalage est d’autant plus douloureux que la réussite sociale leur accorde une certaine respectabilité. (On l’a vu de façon vertigineuse avec le déboulonnage de la statue DSK, mais je n’y reviendrai pas.)

Acheter le consentement d’une partenaire revient à nier leur capacité de séduire, eux pour qui la conquête est un ingrédient indispensable de la réussite sociale. C’est pourquoi ce mal-être touche en priorité ceux qui ont les moyens de s’offrir du sexe. Comme l’ivrogne avouant au Petit Prince qu’il boit « pour oublier qu’il a honte de boire », leur consommation serait une manière de camoufler un sentiment d’échec. Ce mécanisme d’autopunition par le plaisir me paraît plus crédible qu’une supposée addiction au sexe : pour que se mette en place une accoutumance il faudrait que l’organisme du consommateur éprouve le besoin de substances qu’il ne peut trouver ailleurs que dans la répétition de l’acte ; or le sexe ne crée pas cette forme de dépendance puisqu’il existe mille manières de fabriquer de l’ocytocine.

J’ai entendu plusieurs témoignages de femmes qui ont eu pour conjoint un client maladif de la prostitution. Leurs histoires ont des points de ressemblance. Elles révèlent chez leur partenaire un fonds commun de croyances, de procès d’intention et de jugements sans appel.

Vanessa a vécu 15 ans en épouse vertueuse d’un paranoïaque qui la plaçait sous surveillance et piquait des crises de jalousie en la traitant de « pute ». Pour cette vie qu’elle estimait normale avec le père de ses trois enfants, elle avait renoncé à ses études et à une partie de sa vie sociale. Mais quoi de plus naturel que de se sacrifier pour ses enfants ?

Elle me raconte :
— Un matin, j’étais assise en face de lui au petit-déjeuner. Tout à coup une idée s’incruste dans ma tête : « Ce mec est un con ! »
— Et après ?
— L’univers de mes illusions avait basculé. La situation de notre couple s’est vide dégradée… Et, tu sais quoi ?
— ???
— Un jour il m’a lancé à la figure que, depuis notre mariage il se tapait régulièrement des putes. Il dit en avoir consommé plus de 200… Alors, mes petits soins, ma fidélité exemplaire, et mes tentatives de raviver son désir, tu vois à quoi ça pouvait servir !
Vanessa avait affaire à un homme déchiré entre la maman et la putain, un stéréotype dans lequel des féministes comme Nancy Huston enferment tous les clients de la prostitution féminine (Mosaïque de la pornographie, 1982/2004). C’est une erreur de juger à partir de catégories aussi restrictives. Il n’empêche que ce conflit maman/putain est apparent dans la manière dont certains hommes parlent des femmes, plus particulièrement de leur compagne, et qu’il mérite d’être analysé pour atténuer les souffrances infligées à leur entourage.

L’homme qui traite sa compagne de salope est dans un besoin compulsif de dominer des femmes. Cherche-t-il à compenser une soumission vécue avec sa mère, ses sœurs, une rivalité castratrice avec son père ? Les explications psy ne me paraissent pas d’une grande utilité. Contentons-nous d’observer : le « compagnon d’une pute » est dans un besoin compulsif d’asservir des femmes, les réduire à des objets, et surtout les avilir pour les punir du pouvoir qu’elles sont supposées exercer par leurs jeux de la séduction. Pour compenser ce vice (c’en est un) il a besoin de jouir d’une icone vertueuse à la maison : une vestale admiratrice de sa réussite et pleine de gratitude pour ses bontés — car, matériellement, il ne la prive de rien… Cette compagne doit être servile au point de ne pas prêter attention aux parfums étrangers qui flottent sur ses habits quand il rentre tardivement !

Vanessa ne se doutait de rien. À vrai dire, elle n’était pas en mesure d’imaginer, ni pour elle ni pour lui, une vie au-delà des barrières qu’il avait érigées autour de leur couple.

Je ne prétends pas que ce modèle se reproduit à l’identique. Il en existe de nombreuses déclinaisons (dans le registre SM) mais, chaque fois que j’apprends qu’une femme se fait traiter de « pute » par le père de ses enfants, je me dis qu’elle a affaire, sinon à un consommateur, du moins à un homme qui a des difficultés avec son envie de consommer.

Face à une telle violence, elle est submergée par un sentiment de culpabilité cruellement entretenu. C’est ce qui permet à la jalousie maladive de virer au harcèlement moral puis à la manipulation. Le martèlement de condamnations et d’interdictions sur un esprit en demande de reconnaissance et d’amour engendre de la confusion, une immense frustration, la haine de soi et le rappel de désirs refoulés qui justifient a posteriori les accusations.

Pour la victime : ostracisation, mal-être psychique inexpliqué parce que toutes les causes ont été invoquées sauf celle du harcèlement… La personne ainsi affaiblie devient une cible pour ceux/celles qui cherchent un exutoire dans les abus de pouvoir. Elle ne peut se juger que malade, anormale et monstrueuse, telle que la décrit son seigneur et maître. Elle finit surtout par ne plus croire à l’existence de gens normaux, vivants, heureux, ouverts, sensuels, libres et respectueux de la liberté d’autrui. Cet enfermement est en bien des points similaire à celui d’un mouvement sectaire.

À moins de briser le cercle ? Un matin, Vanessa s’est assise en face de R. au petit-déjeuner. Elle a levé les yeux et osé parler vrai. Je ne suis plus ta pute.

Par un sursaut de clairvoyance elle faisait sien le deuxième accord toltèque. Les années lui ont donné raison :
Lorsque les gens disent une chose et en font une autre, c’est vous mentir que de ne pas écouter leurs actes. Mais si vous êtes honnête envers vous-même, vous vous épargnerez beaucoup de douleur émotionnelle. Certes, accepter la vérité sur quelque chose ou quelqu’un peut s’avérer douloureux, mais il n’est pas nécessaire de vous attacher à cette douleur. La guérison est en chemin et ce n’est qu’une affaire de temps avant que votre situation ne s’améliore.

Si quelqu’un ne vous traite pas avec amour et respect, prenez comme un cadeau qu’il vous quitte un jour. S’il ne le fait pas, vous passerez certainement des années à souffrir avec lui (ou elle). La séparation sera douloureuse pendant quelque temps, mais votre cœur guérira. Puis vous pourrez choisir ce que vous voulez. Vous découvrirez que vous avez besoin de faire confiance moins aux autres qu’à votre propre capacité à effectuer de bons choix.

Don Miguel Ruiz. Les quatre accords toltèques. Jouvence, 1997, p. 61
Même couverte de boue, les paupières ornées de petites rides, Vanessa est un hymne à la vie. Comme elle souriait quand je lui ai parlé de Lady Chatterley !
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