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23 mai 2006 2 23 /05 /mai /2006 23:26
Ma psy déprime. Non, ce n’est pas drôle.

Que fait un(e) psy en dépression ? Il/elle consulte un autre psy. Mais voilà, ça n’a pas vraiment marché pour Claudia. Nous voici attablés en train de lui remonter le moral. Ou plutôt c’est elle qui s’est mise à table en espérant comprendre comment nous trouvons de la saveur à la vie.

Elle scrute l’anatomie d’un homme heureux. Le petit couplet sur « moi aussi, j’ai des moments de dépression, l’envie de rien faire » n’a pas été du meilleur effet. Un passage à vide de 24 heures (suis-je même allé jusque là ?) n’a rien à voir avec la dépression qui lui bouffe la cervelle depuis des années. La vague a déferlé encore plus fort quand elle a souffert d’un cancer mal dépisté ; une erreur médicale qui a effacé ses dernières rêves de maternité. Ensuite elle s’est mise à soigner des enfants en difficulté avec beaucoup de cœur et de talent. Ce qui ne l’empêche pas, aujourd’hui, de penser que sa vie n’a aucun sens. Et ce qu’elle envisage pour une retraite annoncée lui paraît futile.

Dans son travail de dissection elle a cru tenir quelques pistes : (1) je ne reviens jamais sur le passé ; (2) je n’éprouve aucun regret pour les erreurs commises ; (3) j’accorde peu d’importance aux liens de parenté et ne me sens redevable de rien envers mes parents ; (4) les problèmes relationnels des autres ne me touchent qu’en surface et je ne fais pas d’effort pour les aider à les résoudre. D’ailleurs, Claudia sait que si je m’intéresse à son « cas » c’est qu’elle a toujours été pour moi une femme digne d’intérêt : j’ai envie de la prendre dans mes bras et de lui faire l’amour. Sûr qu’elle reprendrait goût à la vie. ;-)

Elle conclut que l’épicurisme est sans doute le secret du bonheur. Mais en interrogeant Aimée elle obtient exactement les réponses inverses. Nous sommes aux antipodes sur tous ces points, bien que passionnés de vivre et heureux d’être ensemble dans ces différences.

Le bonheur n’est pas une « attitude face à la vie ». Certes, on a besoin d’attitudes pendant les années de recherche du minimum de sécurité matérielle et de reconnaissance sociale, mais une fois la barque lancée c’est autre chose qui nous échappe. Son sentiment d’inutilité vient peut-être de ce qu’elle a passé sa vie à résoudre des problèmes : les siens, qui étaient de taille — et il en reste — mais aussi ceux des autres dans les métiers qu’elle a exercés. Claudia s’est forgé une idée en creux du bonheur comme « absence de problèmes ». Or elle entrevoit que, le jour où elle sera déchargée des problèmes des autres il ne lui restera que le vide existentiel. Avec des échappatoires : voyager, écrire, peut-être même un blogue…
— « Mais, la saveur, c’est quoi ? » demande-t-elle en plongeant sa cuillère dans un fabuleux marscapone.
— La polygamie !
Confidente depuis des années de mes rencontres amoureuses, elle rit. Or ce n’est pas le libertinage que je cherche à lui vendre, mais la multiplicité des amours de la vie, les choses du présent, les aventures artistiques ou intellectuelles, l’engagement social, les relations humaines… On ne peut pas vivre que pour un métier, une famille, un loisir du dimanche.

Nos regards se croisent. Entre nous, des années d’effleurement, de gestes tendres à peine ébauchés et de désirs contrôlés. Elle n’a jamais pu vivre plus de six mois avec un homme car elle ne veut pas d’intimité en dehors de la passion, avec tout ce que cela contient de destructeur. Claudia a besoin d’aimer avec la peur de perdre ; elle reconnaît se sentir étrangère face à deux êtres qui n’ont pas peur de se perdre.

Elle espérait que la peur de la mort, il y a quelques années, lui redonne le goût de vivre. Mais la pulsion morbide est encore bien présente. Elle pleure, pour la première fois devant nous. Elle dit qu’elle a besoin de passer par cette crise douloureuse.

J’aurais voulu partager avec elle une vision qui sorte de cet enchaînement : aimer, retenir et perdre. Mais les mots que j’utilise n’ont pas de sens en dehors du flot d’hormones de l’amour.

Nous sortons. Elle a retrouvé de la contenance, à défaut d’assurance. Elle nous prend dans ses bras, je m’abandonne au désir.
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commentaires

L
Qui a dit : "il ne faut pas avoir peur du bonheur, il n'existe pas" ?
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J
Je ne sais pas... Ça fait bizarre !

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