23 août 2005
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C’est avec Iliane que j’ai compris que la « voie de l’extase » pourrait s’écrire, en ce qui me concerne, comme un enchaînement de « passages ». Cette métaphore m’a permis d’observer avec plus de sérénité la dynamique de notre rupture. Une fois parvenu sur l’autre rive du fleuve, c’est un paysage nouveau qui s’offre à mes yeux, tandis que la « passeuse » fait demi-tour. Elle sera peut-être la passeuse d’autres hommes, comme je pourrais devenir le passeur d’autres femmes ; il se peut aussi que nos chemins se croisent encore, ce qui a déjà été le cas dans notre histoire.
Pourquoi n’ai-je pas accepté de voir que la période d’éloignement avec Marie, entre la période fusionnelle et la « fin de voyage », était aussi une rupture ? Qu’il était pure vanité de vouloir raccrocher avant l’heure les extrêmités du fil cassé ? Il y a trop de certitudes en nous qui résistent à la discontinuité, aux choses imprévisibles, à l’impermanence du désir : croyances en l’essentialité de l’amour, du couple, fantasmes de prédestination… Combien de couples ont épuisé leurs forces dans le déni de ces points singuliers ?
Dans un beau recueil de pensées quotidiennes, « Passages », Jahida parle de son rôle de passeuse auprès des familles dont elle a été proche à l’occasion d’une naissance. Certaines cessent naturellement tout contact après la venue de leur enfant. Elle commente ainsi :
Elle m’a écrit un autre message, le 29 juillet, pour exprimer son mécontentement, et puis :
J’en reviens aux derniers jours du passage proprement dit.
Dans mon journal, mercredi 16 février 2005
Mon retour du stage de tantra a été difficile car j’ai la tête prise par l’infection dentaire. Je parle quelques heures avec Aimée et lui fais un compte-rendu détaillé du stage tel que je l’ai perçu.
Samedi 19 février 2005
Ce soir je réponds à un appel de Patricia. Elle veut savoir si je vais m’inscrire à la « formation avancée »… Je lui réponds que je n’envisage rien pour le moment. Je sens un froid (salutaire).
Dimanche 20 février 2005
Patricia m’écrit :
Je finis par lui dire que, si aujourd’hui je choisissais de suivre cette formation, ce serait uniquement pour rester avec elle, lui faire plaisir, en contradiction avec notre idéal commun d’autonomie. Elle ne peut pas me contredire sur ce point. Alors elle décrète que, si je n’ai pas envie d’y aller, c’est parce que je ne suis pas réceptif à ce que dit l’animateur, tout cela à cause de mon ego qui s’interpose ! On est en plein fonctionnement sectaire : il me manipule, je te manipule… Je lui répète que j’ai passé l’âge d’aller à l’école et de recevoir des bons points de l’instituteur. Pour moi cet homme ne représente rien.
Elle se lamente d’être de plus en plus accrochée à moi ; quand ce n’est pas pour le matériel (par exemple des achats de livres) c’est pour l’intellect, le goût d’écrire, tout ce par quoi elle estime que je la rends dépendante. Et moi aussi je suis en dépendance, toujours plus exigeant, en attente de ce qu’elle pourra me donner… Elle nous voit fonctionner comme un couple, même à distance, au point d’être « presque fidèles » sexuellement. (À aucun moment elle ne mettra en balance sa propre soumission à des thérapeutes.) Pour elle, il est indispensable, si nous devons cheminer ensemble, que nous soyons tous deux « accompagnés par des thérapeutes ». Le morceau est lâché !
Je réponds que ce que j’ai vécu avec elle m’appartient. Je ne laisse à personne le droit d’en juger. Si elle souhaite qu’on chemine ensemble, on peut continuer à se rencontrer. Sinon, chacun continuera sa route avec sa liberté, ses croyances, ses dépendances.
Je l’entends dérouler une panoplie de combines. « Il se passe plein de choses en dessous et tu n’en as pas conscience », me lance-t-elle… Je lui propose donc d’arrêter « en dessus » pour qu’on puisse enfin voir les choses « d’en dessous ».
Il est paradoxal d’avoir vécu quelque chose de si élevé, dans la plus pure simplicité, pour se retrouver dans de telles embrouilles quelques jours plus tard. Je sens qu’elle me rejette, paradoxalement, de peur de me perdre. Elle me fatigue. Au moment où je raccroche, je me sens libéré d’un lourd fardeau.
Sur ce, Séraphine m’annonce qu’elle a rompu avec D., son amant de la pause-midi.
Ce soir, j’ai fini d’installer un nouvel ordinateur avec un joli écran plat. Je propose à Aimée de regarder le DVD de « L’empire de la passion », mais il est déjà tard. Elle me dit :
— « Il n’y a qu’à le jouer nous-mêmes ! »
— « Euh, je n’aime pas la scène où le mari est précipité dans le puits… »
— « C’est simple, on y jetera l’amante ! »
— « Quelle bonne idée ! »
Dans notre complicité retrouvée, dans les gestes de tendresse (avec des traces de désir) j’ai l’impression de découvrir un chemin tracé quand nous avons parlé ensemble du stage de tantra. Aimée sait décrypter le langage du désir. Elle n’hésite plus à aller vers moi, libre de toute attente. Je ne me suis jamais senti aussi libre. Et quel bonheur d’être de nouveau touché par des mains sensibles…
L’amante est restée dans le puits. Au dessus de nos têtes, le tournoiement silencieux des Oiseaux Blancs.
Nous nous sommes recontactés au nouvel an, et revus l’été suivant…
Pourquoi n’ai-je pas accepté de voir que la période d’éloignement avec Marie, entre la période fusionnelle et la « fin de voyage », était aussi une rupture ? Qu’il était pure vanité de vouloir raccrocher avant l’heure les extrêmités du fil cassé ? Il y a trop de certitudes en nous qui résistent à la discontinuité, aux choses imprévisibles, à l’impermanence du désir : croyances en l’essentialité de l’amour, du couple, fantasmes de prédestination… Combien de couples ont épuisé leurs forces dans le déni de ces points singuliers ?
Dans un beau recueil de pensées quotidiennes, « Passages », Jahida parle de son rôle de passeuse auprès des familles dont elle a été proche à l’occasion d’une naissance. Certaines cessent naturellement tout contact après la venue de leur enfant. Elle commente ainsi :
Je ne désire pas « m’attacher » et en parallèle, je ne désire pas qu’une personne « s’attache », résultat probable de « mon histoire personnelle » sur laquelle on pourrait revenir… Reste qu’il y a autre chose que « l’attachement » avec ce que j’y entends comme liens et privation de liberté, quelque chose de bien présent, qui fait qu’une sage-femme, bien que « de passage », bien que « satellite » laisse une empreinte, une mémoire bien palpable !Je vais raconter ce qui s’est passé immédiatement après mon arrivée sur « l’autre rive » avec Iliane-Patricia [voir « La voie de l’extase (7) »]. Auparavant, il faut préciser que nous ne nous sommes pas revus à ce jour. Elle ne m’a pas signalé l’annulation d’un rendez-vous que nous nous étions fixé fin mars. Fin mai, je suis allé à Biarritz pour une réunion de travail. Iliane-Patricia m’avait invité à passer chez elle, je l’avais invitée à me rendre visite à l’hôtel… À mon arrivée, après un voyage très éprouvant, je me suis rendu compte que je ne me sentais pas plus proche d’elle qu’au point de départ. Je n’ai pas eu envie de poursuivre ma route et le lui ai fait savoir par email depuis ma chambre d’hôtel. Elle m’a répondu deux heures plus tard qu’elle était fâchée que je n’aie pas téléphoné, mais sa colère ne m’a inspiré aucun remords.
Aujourd’hui, dire que je suis de passage, c’est aussi reconnaître cette mémoire !
Le souvenir de la naissance est comme une empreinte sur le sable qui s’efface et se transforme au gré du vent, et c’est bien ainsi. Il n’en reste pas moins une trace, une vibration infime…
Il s’agit bien du souvenir d’un passage, pas de celui d’une personne !
Peut-être ai-je parfois servi de « révélateur » ?
Combien de temps le révélateur reste-t-il présent sur une prise de vue ? Il me semble qu’on rince soigneusement pour s’en débarrasser complètement ??
Elle m’a écrit un autre message, le 29 juillet, pour exprimer son mécontentement, et puis :
Peut-être y a t il un fond de ressentiment quelque part depuis ce dernier stage de tantra ?Je lui ai répondu en parlant du « passage » et de la rupture, et j’ai terminé par :
Ce n’est pas la première fois que nous chemins se séparent pour se recroiser ensuite après que nous ayons progressé chacun de notre côté. Je ne me sens donc pas en rupture avec ce qui nous relie profondément. Surtout, j’éprouve la même gratitude pour la beauté et la lumière que tu as mis dans ma vie.Elle a gardé le silence depuis.
J’en reviens aux derniers jours du passage proprement dit.
Dans mon journal, mercredi 16 février 2005
Mon retour du stage de tantra a été difficile car j’ai la tête prise par l’infection dentaire. Je parle quelques heures avec Aimée et lui fais un compte-rendu détaillé du stage tel que je l’ai perçu.
Samedi 19 février 2005
Ce soir je réponds à un appel de Patricia. Elle veut savoir si je vais m’inscrire à la « formation avancée »… Je lui réponds que je n’envisage rien pour le moment. Je sens un froid (salutaire).
Dimanche 20 février 2005
Patricia m’écrit :
Suite au contact d’hier soir, ça a bougé des choses que j’ai besoin de partager et d’exprimer avec toi, par rapport à nous deux.Je la rappelle l’après-midi. Elle est en colère, en effet, dans la continuité de notre conversation d’hier soir. Elle ne supporte pas que je ne veuille pas m’engager dans la formation « avancée » pour qu’ensuite nous puissions participer ensemble aux stages de « haut niveau ». Je lui réponds que mon voyage intérieur n’a rien à voir avec ces stages. Pour moi le tantra n’est rien d’autre que ce que je vis avec elle ou dans l’intimité d’autres femmes. Ma vision du tantrisme est celle de relations libres entre personnes libres, sans autre enjeu que l’extase (« amoureuse » ou/et « mystique »). Rien à voir avec des stages. D’ailleurs, je n’ai pas envie de claquer 1000 euros (le « forfait ») juste par curiosité !
Je finis par lui dire que, si aujourd’hui je choisissais de suivre cette formation, ce serait uniquement pour rester avec elle, lui faire plaisir, en contradiction avec notre idéal commun d’autonomie. Elle ne peut pas me contredire sur ce point. Alors elle décrète que, si je n’ai pas envie d’y aller, c’est parce que je ne suis pas réceptif à ce que dit l’animateur, tout cela à cause de mon ego qui s’interpose ! On est en plein fonctionnement sectaire : il me manipule, je te manipule… Je lui répète que j’ai passé l’âge d’aller à l’école et de recevoir des bons points de l’instituteur. Pour moi cet homme ne représente rien.
Elle se lamente d’être de plus en plus accrochée à moi ; quand ce n’est pas pour le matériel (par exemple des achats de livres) c’est pour l’intellect, le goût d’écrire, tout ce par quoi elle estime que je la rends dépendante. Et moi aussi je suis en dépendance, toujours plus exigeant, en attente de ce qu’elle pourra me donner… Elle nous voit fonctionner comme un couple, même à distance, au point d’être « presque fidèles » sexuellement. (À aucun moment elle ne mettra en balance sa propre soumission à des thérapeutes.) Pour elle, il est indispensable, si nous devons cheminer ensemble, que nous soyons tous deux « accompagnés par des thérapeutes ». Le morceau est lâché !
Je réponds que ce que j’ai vécu avec elle m’appartient. Je ne laisse à personne le droit d’en juger. Si elle souhaite qu’on chemine ensemble, on peut continuer à se rencontrer. Sinon, chacun continuera sa route avec sa liberté, ses croyances, ses dépendances.
Je l’entends dérouler une panoplie de combines. « Il se passe plein de choses en dessous et tu n’en as pas conscience », me lance-t-elle… Je lui propose donc d’arrêter « en dessus » pour qu’on puisse enfin voir les choses « d’en dessous ».
Il est paradoxal d’avoir vécu quelque chose de si élevé, dans la plus pure simplicité, pour se retrouver dans de telles embrouilles quelques jours plus tard. Je sens qu’elle me rejette, paradoxalement, de peur de me perdre. Elle me fatigue. Au moment où je raccroche, je me sens libéré d’un lourd fardeau.
Sur ce, Séraphine m’annonce qu’elle a rompu avec D., son amant de la pause-midi.
Ce soir, j’ai fini d’installer un nouvel ordinateur avec un joli écran plat. Je propose à Aimée de regarder le DVD de « L’empire de la passion », mais il est déjà tard. Elle me dit :
— « Il n’y a qu’à le jouer nous-mêmes ! »
— « Euh, je n’aime pas la scène où le mari est précipité dans le puits… »
— « C’est simple, on y jetera l’amante ! »
— « Quelle bonne idée ! »
Dans notre complicité retrouvée, dans les gestes de tendresse (avec des traces de désir) j’ai l’impression de découvrir un chemin tracé quand nous avons parlé ensemble du stage de tantra. Aimée sait décrypter le langage du désir. Elle n’hésite plus à aller vers moi, libre de toute attente. Je ne me suis jamais senti aussi libre. Et quel bonheur d’être de nouveau touché par des mains sensibles…
L’amante est restée dans le puits. Au dessus de nos têtes, le tournoiement silencieux des Oiseaux Blancs.
Nous nous sommes recontactés au nouvel an, et revus l’été suivant…
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