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22 août 2005 1 22 /08 /août /2005 23:00
Mi-janvier 2005, quelques échanges de courriers avec Iliane…

Elle :
Ça fait du bien quand même ces petits gestes involontaires intuitifs qui nous relient tout d’un coup à quelque chose de plus grand que nous, que l’espace temps ! Ça nourrit toujours la confiance dans la vie, la sensation d’être accompagnée et aimée par… le mystère… […]

Il m’arrive des choses agréables en ce moment. Je stimule l’énergie de la création en moi, ça me semble plus facile que les autres années. Au début de cette année 2005 j’étais étonnée de ne pas sentir d’élan. Ça m’inquiétait parce-que j’imaginais qu’une année devait forcément commencer par un changement d’énergie, une explosion :-) en tout cas c’était mon gros désir. J’avais senti le changement d’énergie, mais pas l’explosion. Plutôt une sensation de ralenti. Après avoir discuté avec une amie, j’ai eu l’impression que c’était peut-être les événements du raz de marée du 26 décembre qui avaient déclenché une sorte d’apathie. J’ai eu la sensation que nous (le monde entier) étions en train de digérer quelque chose de difficile. Le monde a été forcément touché par cet événement, même si c’est inconsciemment. […]

Consciente que cette peur peut bloquer le mouvement ascendant qui me pousse en ce moment, je me maintiens finalement assez facilement dans cette « poussée » de travail, de besoin de croissance… et c’est bon. Je sens des racines qui poussent qui se fortifient. Je sens que VB se fait très discret, se « retire », me laisse la place pour que j’explore. Je me sens comme une ado à qui on laisse de l’espace pour explorer de nouvelles responsabilités, ça y est c’est le départ dans la vie active :-) Je sens comme un regard bienveillant de ce père-mère qui sait me laisser la liberté et l’espace de m’expérimenter toute seule. J’apprécie même de ne pas vous avoir près de moi, toi et lui, parce que je me sens disponible pour persévérer dans ma lancée du travail. Sinon je serais happée par vous.

J’ai vécu un moment de bonheur avec Damien [le père de Noémie]. Nous avions organisé chez lui une rencontre de personnes pour échanger nos compétences créatrices (chant, musique, danse, clown, texte, jeu…). 13 adultes et 3 enfants. Le soir, j’ai eu envie de rester dormir avec lui. Daniel était dans la maison, j’étais tiraillée au départ, je me demandais si c’était bien de rester alors que Daniel est très jaloux. Mais mon désir était plus fort. J’ai eu envie de me faire du bien en premier. Damien avait envie aussi que je reste, mais je pouvais très bien partir aussi cela lui était égal. Il me demandait cependant « pas de sexe ». Sur le moment je n’avais aucun désir spécial autre que d’être dans ses bras et m’endormir. Il a senti cela et s’est senti à l’aise. Pas de pression. Il vit une pression avec son amante et est assez oppressé. Donc il respire et nous nous laissons emmener dans son lit en douceur.

Cet espace sans tension nous met naturellement en désir l’un de l’autre. J’étais étonnée de la légèreté, et j’ai senti naturellement qu’un moment spécial nous était donné de vivre. J’ai senti qu’il était différent parce que son séjour en Grèce lui avait fait beaucoup de bien, le soleil, la mer, les vacances… Son corps était plein de chaleur, de soleil, de détente, tel que je ne l’ai jamais connu. J’étais sur lui, et à un moment, j’ai hésité, ça ne tenait qu’à un fil. Et puis je me suis dit que pour faire l’amour, il fallait d’abord que je le rejoigne dans sa densité, parce que lui ne pouvait pas aller vers mes hauteurs. Alors je me suis dit : « Plonge dans sa densité, puisque tu aimes aussi la densité ». J’ai mis ma tête dans son cou et j’ai imaginé que je plongeais dans son corps dense comme dans la mer. Ça a été magique. J’ai découvert un océan dense, de douceur et de force masculine, qu’il me laissait pénétrer en respectant ma lenteur.

J’ai ressenti beaucoup de plaisir, et beaucoup de réparations entre nous. Ensuite je l’ai invité à se détendre, à s’abandonner au plaisir de la femme, tout en restant présent (la réaction habituelle au début c’est quand je dis ça, l’homme se retire de son sexe, débande, s’absente). Il a pu le faire. Cependant « quelque chose » n’était pas évident. J’ai eu la réponse plus tard.

Quand je lui ai demandé s’il avait aimé il m’a répondu qu’il avait aimé que j’aie du plaisir (c’était la première fois que j’exprimais un plaisir authentique) mais que lui n’avait pas ressenti grand chose. J’ai réalisé à ce moment que pour que l’homme ressente quelque chose là où je l’emmène, faut-il qu’il en éprouve le désir, qu’il s’y intéresse.

Notre rencontre a été possible parce qu’il m’avait exprimé, il y a quelques semaines, qu’avec son amante ils commençaient à se lasser de leur façon de faire l’amour (très sauvage, forte, passionnelle). Et qu’il commençait à se demander s’il n’y avait pas de petits sentiers à découvrir. Je pense que c’est le début du possible, lorsque la saturation de faire l’amour animalement se fait entendre. Ensuite faut-il que le désir s’affine, qu’il pousse la personne à oser explorer d’autres sensations, d’un monde si nouveau et si fin. Je crois qu’il n’y a que cette quête d’amour qui peut nous pousser à oser lâcher la sensation très physique orgasmique, pour oser découvrir toute la finesse et la subtilité des sens himalayens. Faut-il que l’homme, ou la femme, le désire vraiment. Je me souviens des réflexions au tantra de ces hommes et femmes : « Oh c’était ça ? Mais c’est si fin, si petit comme sensation, qu’il est facile de passer à côté, de ne pas s’en apercevoir ! ».

Et ensuite cette sensation grandit, mais toute seule, comme tu me l’as montré :-)

Depuis cette rencontre avec Damien, je me sens réunifiée quelque part. Une grande souffrance est partie. J’ai l’impression d’avoir bouclé quelque chose en moi. Je me sens fière d’avoir pu atteindre une densité en moi que j’imaginais pas atteindre, en tout cas si vite, et avec quelqu’un comme lui, qui me renvoyait à un sentiment d’infériorité (statut social). Je me suis dépassée et suis heureuse de cela. Je me sens libre aussi. Il est dans sa vie, moi dans la mienne, et nous avons besoin tous les deux de nos espaces.

Comment réagis-tu à ce partage que j’ai risqué à te confier ? Es-tu content avec moi, ou cela te blesse t-il quelque part ? J’attends patiemment ta réponse, et notre rencontre. M’occuper de moi, de ma créativité, me fait beaucoup de bien. J’ai besoin de ce temps, de solitude entre les rencontres, pour intégrer et exprimer concrètement tout ce que je vis dans ma vie amoureuse.

Je t’embrasse en espérant que tu restes mon ami amant, même si je fais l’amour avec un autre homme que j’aime aussi.

Quelques jours plus tard :
Daniel m’a téléphoné hier soir. Il est sorti de son mur de silence idiot, pour enfin me confier qu’il souhaitait me voir, faire l’amour avec moi.

J’étais dans une énergie nouvelle avec lui. Je me sentais dégagée, et j’ai pu lui répondre clairement (c’est la première fois), que je ne souhaitais pas le revoir. J’aurais plaisir à revoir le Daniel du passé, ou du futur, mais pas le Daniel d’aujourd’hui, parce que je ressentais un besoin de solitude, d’espace, pour me planter, me développer socialement, et que si je le revoyais, je savais que cela me rendrait lourde, m’enliserait, parce que lui aussi avait besoin de bouger sa vie.

J’ai même rectifié après en lui disant que je ne souhaitais finalement pas revoir l’ancien Daniel, même si cela avait été du bonheur, parce que c’était du passé et que je n’étais plus concernée par le passé. Je lui ai donc donné rendez-vous dans un an ou deux, en tout cas quand chacun de nous aura accompli ce qu’il a besoin d’accomplir pour sa vie.

Je lui ai demandé si ça avait bougé pour lui. Il m’a répondu que le gars qui lui avait promis de l’héberger c’était plus possible pour telle raison et qu’il n’avait eu la réponse que maintenant.

Je l’ai houspillé en lui disant que s’il attend d’une seule personne, c’est pas génial, en plus si cette personne se désiste. Toute cette attente pour rien. Je lui ai reparlé de toi, il m’a dit qu’il ne savait pas s’il allait faire appel à toi, qu’il y avait quelque chose de pas clair, et gna gna gna.

Là je n’ai pas mâché mes mots. Je lui ai dit que quelle que soit sa raison de ne pas te contacter, ou d’autres personnes, moi je sentais qu’il freinait et qu’au fond de lui il ne voulait pas se bouger. Que ce qu’il prétextait avec toi n’était que de la surface. J’en ai rajouté une louche en lui disant que Damien ne supportait pas sa présence dans sa maison, qu’il avait besoin d’être seul. Damien ne lui en avait pas encore parlé. J’ai dit à Daniel que Damien n’osait pas lui en parler mais que ça allait venir.

Et le dernier coup de grâce du soir : j’ai vraiment senti qu’il fallait se positionner pour l’aider à contacter une énergie de mouvement.

Je lui ai annoncé que cela faisait un moment qu’on avait décidé de changer Noémie de chambre et l’installer dans celle où il dort actuellement. Et que nous déciderions d’une date pour le faire, même s’il n’est pas encore parti. Sans le mettre dehors, c’est un acte posé qui ne lui permet plus de s’enliser.

Au fur et à mesure je sentais que quelque chose s’allégeait, bougeait un peu, mais c’est à Damien de faire le reste, ce n’est pas ma maison. Le côté positif, c’est que ça montre à Damien ce que c’est que de mettre les gens en dépendance, en ne posant pas ses limites, en les laissant te parasiter. Le mot est fort, mais en ce moment, pour Daniel, ça convient bien. Il a perdu son énergie d’action et se laisse porter comme un bébé. C’est le moment de le secouer en se positionnant, ça devrait le faire bouger suffisamment.

Sur une liste, elle écrit :
Quand je fais l’amour avec un homme (ou même si je suis juste en contact physique avec lui) je sens s’il est dans ses gonades (ses couilles donc), ou s’il a du désir, s’il est juste dans son pénis. S’il est dans son pénis seulement, la rencontre est partielle entre nous. S’il est également dans ses gonades, il est présent pleinement à son énergie sexuelle, et je me sens avec un homme et non avec un enfant. L’enfant a un pénis, mais pas de maturité sexuelle apportée par la maturité des gonades.

Idem pour moi. Quand je suis présente dans mes ovaires, je me sens femme. Je suis d’ailleurs bien dans mon corps et sens comme deux faisceaux, deux phares qui rayonnent, et me relient à la terre. C’est extra. Sinon, je me sens petite fille.

Un peu plus loin :
>> Iliane : Y a tellement de personnes par
>> exemple qui nient le désir que peuvent susciter d’autres hommes que
>> leur mari (si je prend l’exemple d’une épouse), soit parce que c’est
>> mal vu par leur mère, la société, ou pour préserver le pouvoir
>> qu’elle peut exercer sur lui (souvent inconsciemment) en lui restant « fidèle ».

> G. : tu peux expliquer ta denière phrase ? je comprends pas
> ce que tu veux dire.

Iliane : Dans cet exemple, en restant « fidèle » (c’est-à-dire ne pas faire l’amour avec d’autres hommes ou d’autres femmes), la personne tente de s’attacher son compagnon ou sa compagne. En ne s’autorisant pas à butiner ailleurs, elle « n’autorise pas » à son conjoint de butiner. Si elle s’y risquait elle ouvrirait une porte de liberté pour le conjoint aussi. Des personnes utilisent la fidélité comme moyen de pression pour garder leur partenaire, en les culpabilisant éventuellement si ce partenaire ressent du désir pour d’autres personnes.

Donc il y a des personnes qui ont du désir pour d’autres personnes que leur conjoint, mais qui ne veulent pas y répondre, mais peuvent culpabiliser, être frustrées. Ça c’est une chose. Et j’en ai même vu (je l’ai vécu moi aussi), qui refoulent tellement leur désir qu’ils ne s’aperçoivent même pas qu’ils en éprouvent pour d’autres personnes. Et là, ces personnes peuvent même évoquer des prétextes de « C’est plus l’âge, c’est la ménopause, ça ne m’intéresse pas en dehors de mon mari (ma femme) je n’ai aucun désir pour d’autres, je suis fatiguée »…

Pour moi, tout ça ça n’existe pas. […] En prenant conscience de ses désirs, de ses refoulements, des manipulations invisibles, parce que ça nous ouvre à plus de liberté, on se réappropie son corps, on s’aime quoi. Je trouve que ça vaut le coup de d’y intéresser.
Je réponds sur la même liste à l´un de ses messages :
>Le terme « illumination » est bien chargé de préjugés… J’aime bien « extase »,
>depuis peu. Moi, c’est le mot « extase » que j’avais chargé de trucs
>bêtes.

Ces deux termes sont chargés de conotations religieuses qui n’ont malheureusement rien à voir avec les expériences concrètes qu’ils recouvrent. Pour moi un mot isolé n’a pas de sens, il n’en acquiert momentanément que par oppositions/ressemblances avec d’autres mots. Quand nous oublions de mentionner les deux (ou plusieurs) termes de l’opposition, nous imposons une vision « essentialiste », comme si le mot était la chose désignée ou pouvait la remplacer. Il y a des passages de tes écrits où je perçois cette approche essentialiste (par exemple dans l´utilisation de termes comme « énergie », « positif/négatif ») mais je n’ai pas trop le temps, ce soir, de couper les cheveux en quatre… On aura d´autres occasions de le faire. ;-)

Quand j’ai utilisé le mot « extase », j’ai donc pensé à l´opposition avec « transe ». La sexualité en quête de jouissance orgasmique s´apparente pour moi à de la transe. Alors que ce que je comprends de la pratique « tantrique », au plus près de ta description, serait plutôt une forme de contemplation dans l´action. Le mot « extase » me plaît bien car il n’implique pas un état permanent, alors que « illumination » nous fait penser à un accomplissement.

Attention, je n´ai pas dit que je plaçais l´extase au-dessus de la transe. Mais je dirais que notre culture a toujours privilégié la transe, dans la sexualité, sans doute parce qu´il fallait assurer la propagation de l´espèce.

Elle répond :
« Tantrique » : j’ai toujours souffert de la façon dont je laissais les hommes utiliser mon corps pour jouir. Et un jour j’ai lu « Le traité des caresses » de Leleu. Puis le « Tao de l’art d’aimer ». J’ai adoré quand il est écrit que l’homme sans conscience se masturbe dans le fourreau de la femme. J’ai commencé à sentir de l’espoir dans ces livres là. Auparavant je n’avais jamais entendu parler de rien de satisfaisant sur la sexualité, mais je pressentais que je pouvais vivre autre chose. Puis, le livre « Tantra, le culte de la féminité » de Van Lysbeth.

A cet endroit, j’essayais de décoincer ma relation désespérante dans le couple, avec les techniques décrites dans les bouquins. Rien de rien n’a marché.

Un jour, un ami me dit que les techniques étaient valables mais seulement après avoir contacté suffisamment d’amour. Donc j’ai tout arrêté, et je me suis plutôt consacrée à « comment aimer ? »

J’ai rencontré un homme, « un voyant très sensible » que j’adorais, on a fait l’amour une fois, c’était très nul pour moi. Je lui en ai parlé, c’est le premier qui m’a dit : « C’est toi qui as raison, moi je ne me sens pas capable de faire l’amour comme tu me le demandes. Continue ta quête, c’est toi qui es dans le vrai ». J’étais très triste de ne pouvoir incarner dans le corps cet amour fou que je ressentais pour lui, et en même temps ça m’a permis de continuer ma route, en étant très touchée et nourrie par son authenticité et sa confiance.

Puis j’ai vécu une expérience tantrique inattendue et extraordinaire avec mon ex-mari, une seule fois. (On était séparé depuis quelques mois et on n’avait jamais pu faire l’amour avec plaisir). Puis quelques années après, (entretemps j’ai eu ma fille avec un homme que j’adore mais avec qui je ne ressentais rien, et qui me reprochait d’être frigide), j’ai rencontré un homme qui se questionnait depuis de longues années sur le bonheur, le plaisir, la jouissance, la profondeur, faire l’amour, l’extase. Nous avions une communion spirituelle très belle et forte. Ça m’a permis d’aller plus loin, mais pas au point de me débloquer sexuellement.

Ce n’est qu’en participant à des stages de tantra que j’ai pu incarner mon énergie tantrique. J’ai rencontré des hommes et des femmes, je les ai écoutés, j’ai partagé avec eux des expériences, j’ai entendu parler de la femme comme jamais je n’en avais entendu parler… ou si peu. La femme blessée, humiliée s’est soignée, consolée, reconstruite. J’ai rencontré des hommes et femmes tantriques, ça m’a permis de voir que je n’étais pas une folle ni une extraterrestre. Et j’ai appris à force d’introspection, d’exercices, de rires, de pleurs, de rencontres, à gérer dans mon quotidien les difficultés que je rencontrais dans mes moments amoureux. J’ai dû cesser d’attendre le Prince Charmant (un peu au moins ;-) et engager mon énergie vers ma propre création de ma vie amoureuse. Et maintenant, je choisis vraiment de privilégier la qualité de rencontre. Je peux dire que depuis 2 ans, et plus particulièrement depuis 6 mois je suis heureuse. Je me sens reliée même quand je suis seule, mais pas encombrée. J’ai beaucoup d’espace, et je ressens le besoin de leur laisser de l’espace (j’ai deux amants).

Je sens la guérison de 20 à 27 ans de cystites, de vaginites, de pertes malodorantes, de sorte de boutons très douloureux sur la vulve, de douleurs à la pénétration, après la pénétration, de démangeaisons insupportables, de frigidité, que sais-je encore…

Mercredi 26 janvier 2005

Iliane m’écrit :
Ça bouge encore, ça ne retombe pas, et c’est grâce à moi. Je m’aperçois que si je laisse le mouvement s’arrêter à l’intérieur de moi, tout s’arrête. J’ai eu un peu d’effroi en réalisant cela, parce que je me disais « mais si je n’ai plus la force de continuer, si je suis malade ou autre, je ne travaille plus, plus d’argent… et et… ». Je me suis fait peur toute seule. Ensuite j’ai commencé à ressentir autre chose, plus positif. C’est une « attitude » intérieure qui fait que le monde bouge autour. Donc, même vieux, je peux attirer sûrement du mouvement, de l’abondance encore. J’ai donc besoin de m’habituer à « rester vivante et vibrante » dedans.
Samedi 29 janvier 2005

J’ai l’impression de vivre en ermite au cœur du monde. A savoir que j’aime le regard, l’interaction avec les êtres qui m’entourent, mais je n’attends rien de particulier sur le plan affectif. Leur confiance, leur amitié, leur amour me suffisent. J’en arrive à percevoir l’attachement à la famille, que certains expriment avec une grande conviction mêlée d’angoisse (peur de perdre), comme le besoin d’un être qui n’a pas achevé sa complétude. Dans le couple aussi, j’aimerais qu’il n’y ait aucune attente dans la présence que nous avons l’un à l’autre.

Il y a quelques nuits j’ai rêvé d’Iliane. Nous étions tous les trois avec Aimée, l’atmosphère était gaie entre nous, nous marchions dans la campagne, traversant des villages, pénétrant dans des maisons anciennes vides de locataires. L’image que j’ai gardée est que je mettais mon bras droit autour du cou d’Iliane. Nous marchions ainsi, en totale insouciance. Elle riait. C’est aussi un sentiment de liberté et de respect de la liberté de l’autre qui se dégage de ce rêve : elle est proche, je peux la toucher, la prendre, ensemble nous nous promenons dans le temps — les maisons anciennes, mais aussi notre « éternelle » jeunesse. Pas d’attache, pas de dépendance entre nous. Je réalise que Séraphine, Iliane, Séverine, sont pour moi des êtres autonomes avec qui la relation se crée dans l’instant. J’aimerais rencontrer cette autonomie dans la vie de couple au quotidien, mais je ne sais pas encore si comment m’y prendre. Je voudrais que les choses soient aussi simples que dans ce rêve.

Iliane m’écrit :
J’ai vécu des choses très fortes en approfondissant mon rapport à la rivalité. J’ai fait une séance impressionnante avec une personne par téléphone (une urgence) où j’ai contacté d’abord ma force féminine, puis ma force masculine comme jamais. J’étais moi-même impressionnée. J’ai appris énormément, j’ai pas encore tout clarifié mais c’était magnifique. Je me sentais complètement guidée, j’ai dû avancer dans le vide comme Indiana Jones, avec la « responsabilité » d’une force qui se déclenchait et que je devais gérer dans mon corps. J’ai senti que mon corps servait de catalyseur pour cette personne qui a frôlé le danger physique, et mon corps lui a servi de support de recentrage et de revitaliseur (?!). C’est la première fois que je me sers de mon corps consciemment pour faire ce travail. Evidemment, c’est parce que c’était une urgence et qu’il y avait une forte confiance entre nous que je m’y suis investie et la personne aussi, et que ça a marché.

Puis il y a eu Noémie. Pour résumer, au moment du coucher, dans son lit, je lui ai offert mes bras, elle s’est lovée dedans. Comme à l’accoutumée, j’étouffais et ça commençait à devenir insupportable. Elle a toujours mal au ventre, et je vois qu’elle souffre. C’est toujours insupportable. Ce soir, j’ai appliqué avec elle ce que je pratique depuis quelques jours. Je me suis servie d’elle, de ce qu’elle déclenche en moi, pour me renvoyer en miroir à moi-même lorsque j’étais enfant, et plus particulièrement à son âge. Je l’avais contre ma poitrine, je percevais sa souffrance effrayante. Au lieu de me focaliser sur elle, ce qui m’aurait amenée inévitablement à l’abandonner, je me suis centrée de toutes mes forces sur la petite fille de 7 ans que j’étais. J’étais à la fois avec Noémie, mais surtout centrée dans la sensation avec la petite fille à l’intérieur de moi.

Je contacte une souffrance énorme, à la limite du supportable, mais ô combien soulageante. J’adore cet état. Quand ça touche, le temps semble s’arrêter, l’athmosphère devient très dense, le silence presque palpable avec les mains. Une gravité presque écrasante. Quand je reste là, au bout d’un moment, inexorablement, la souffrance s’écoule quelque part, se dilue, s’estompe, disparaît, pour laisser un nouvel espace plein de vitalité. Le miracle s’opère. Noémie s’apaise et s’endort immédiatement. Alors que d’habitude, je suis obligée de partir tellement on s’énerve, et combien de fois elle finissait par s’endormir épuisée à plus de 22h00 quand c’est pas minuit.

Je t’aime et t’embrasse comme une folle.
Vendredi 5 février 2005

A midi je parle longuement avec Iliane du texte de Christopher Calder, « Osho, Bhagwan Rajneesh, and the Lost Truth » dont je lui ai fait un résumé. La naïveté de Calder consiste à chercher « l’illumination » dans la présence d’êtres qu’il prend pour des illuminés du seul fait de leur charisme. C’est même de la bêtise car il n’a pas réalisé que J. Krishnamurti, qu’il dit avoir rencontré à 21 ans en même temps que Rajneesh, faisait appel à l’intelligence de ses auditeurs, en rupture totale avec la tradition guru-shishya (maître-disciple) que Rajneesh feignait de réfuter pour mieux manipuler son auditoire. Cette réserve mise à part, le regard critique de Calder sur le cas Rajneesh me paraît très pertinent.

Iliane et moi convenons que le désir de s’abandonner, de s’annihiler (sans aucun regard critique) dans la présence d’un être aimé procède de la même forme d’aliénation, qu’il s’agisse d’une relation de subordination au maître ou d’une passion amoureuse. L’espace que nous ménageons entre nous est celui de l’intelligence, celui-là même qui permet à d’autres formes d’existence de cohabiter, notamment la vie sociale. Elle se rend compte qu’elle est en train de découvrir tout cela dans sa vie personnelle, et qu’il est important à ce stade d’être vigilante dans la relation avec tous ceux qui lui enseignent quelque chose. Cela fait sens dans sa relation ambivalente avec son thérapeute qui lui expose à la fois sa force mentale et les faiblesses d’un être humain ordinaire. (Rajneesh ne pouvait pas conduire au même détachement car il mentait en permanence au sujet de lui-même.)

Nelda

A mon retour du bureau, je rencontre Nelda sac au dos sur la route de la maison. Je pensais justement à elle… Aimée arrive un peu plus tard. Nous dînons avec une autre invitée. Puis je parle avec Nelda jusqu’à 2h30 du matin.

Sa beauté m’envoûte mais je ne me laisse pas trop aller. Elle a coupé ses cheveux courts, « comme un moine » lui dit Aimée, mais je trouve que cela souligne sa féminité. Nous parlons de son enfance, des rapports avec son père et ses frères, les désirs qui hantent parfois ses rêves. Quelque chose passe entre nous, c’est indicible pour le moment mais très agréable en substance.

Nous parlons de bien d’autres choses et surtout d’une vision assez partagée de l’amour et de la sexualité. Nos « livres » sont grand ouverts — car elle écrit elle aussi. Je sens naître une complicité mêlée à une attirance encore confuse.

Je mets longtemps à m’endormir. Nelda semble être présente à mon côté avec du désir entre nous : à la fois il nous rapproche nous sépare. Je suis en fusion avec elle, il y a une totale contradiction entre cette évidence intérieure de l’amour « tantrique » qui se moque des apparences, de l’aspect physique — le « désir de lumière » — et le désir du corps qui m’enchaîne à la vue de cette femme séduisante. Pëndant des heures nous avons parlé de relations extatiques, de ce que je découvre en ce moment avec Iliane, et me voilà seul avec un tourment aux antipodes de l’image que j’ai voulu donner de moi-même.

Je repense à ma conversation avec Iliane ce midi. Elle m’a parlé d’un très fort désir qu’elle avait ressenti en massant un homme dont la sensualité se réveillait doucement après le deuil de sa mère. Elle s’est retrouvée seule avec ce désir et la certitude qu’elle ne devait pas l’assouvir avec cet homme « trop chargé ».

Je fais donc ce qu’Iliane me dit avoir fait : je laisse d’abord le désir emplir toute ma conscience, chasser la honte et abolir toute autre pensée. Puis je m’y plonge avec la même force de pénétration qui emprisonnait mon sexe. Il est devenu immense. (Elle aussi a ressenti un lingam monumental prolonger son clitoris.) Ce sexe s’est retourné pour plonger en moi-même, car je suis devenu le désir, je suis la femme, la matrice de l’univers… Tout mon être s’est mis à vibrer. Quelques gouttes de sève ont coulé de mon arbre, mais ce n’était pas le lieu de ma jouissance. Je m’endors pacifié. J’ai défusionné d’avec Nelda. Cette sensation persiste car je n’ai aucun retour de son image dans mes rêves.

Nelda écrit tantôt de la main droite et tantôt de la gauche, deux écritures fort différentes autant par le graphisme que le contenu : la main droite très ordonnée, la gauche plutôt imaginative. Elle me lit même un dialogue entre ses deux mains qui met en scène son dilemne au sujet de l’intégration dans la société.

Elle posé une main puis l’autre sur les miennes ; nous sommes restés immobiles pendant quelques minutes dans cet empilement voluptueux.

[Suite]

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