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21 août 2007 2 21 /08 /août /2007 13:25
C’est elle qui m’a demandé de choisir de venir ou de ne pas venir pendant les jours qu’elle devait passer seule. Elle avouait ne pas savoir si elle aurait plus de plaisir à me recevoir qu’à goûter la solitude. En ce qui me concerne, j’ai vite compris que la frustration de renoncer à une rencontre l’emporterait de beaucoup sur celle d’une présence moins chaleureuse que son message me faisait anticiper : « En ce moment je me sens proche de toi amicalement, accaparée par une autre relation amoureuse pour le reste. »

Je me suis donc préparé à des semaines de séparation (et de renoncement au désir) au moins jusqu’à son retour en ville. Or, elle me surprend par cette demi-invitation, que je reçois comme un défi de passer quelques jours en compagnie de la « femme sociale » — celle-là même que j’avais évitée dans les circonstances particulières de nos rencontres. J’ai décidé de faire abstraction de mes peurs et de toute attente. Elle n’est pas du genre à manipuler mon désir ni me faire la leçon sur le respect de la liberté d’aimer, et je peux lui faire entièrement confiance.

Elle m’accueille comme je m’y attendais : pas d’effusion inutile. Nous parlons pendant qu’elle prépare un dîner sobre et savoureux. Dialogue social — pas un mot, je crois, ou si peu, sur notre relation. Elle me fait visiter la grande maison : « Voilà la chambre où tu dormiras » puis me montre la sienne à l’extrême opposé. J’ai un pincement à l’estomac car je me vois déjà espérer qu’elle me rejoigne, frigorifié dans ce grand lit. Il pleut et il fait froid, c’est de circonstance.

J’ai apporté quelques films en DVD, dont un qu’on avait convenu de regarder ensemble. Assise sur un bras du fauteuil, elle me serre contre elle pour se réchauffer, ce qui me maintient en vie dans l’appréhension de la solitude nocturne. Elle n’aime pas ce film et me dit un peu avant la fin qu’elle voudrait aller dormir. C’est le seul moment où j’ai failli regretter d’être venu.

Elle me dira le lendemain, en riant, que c’est le froid qui l’a incitée à venir dans mon lit. Il y a de cela, j’en suis sûr, bien qu’elle se soit vite abandonnée à mes caresses, d’abord à travers la laine puis à peau nue. Jusqu’à la jouissance, elle d’abord, puis moi quand elle me tourne le dos pour que je la pénètre. C’est si bon qu’elle ne soit pas féconde et qu’elle me permette d’inonder son sexe comme un animal qui marque son territoire. J’ai besoin d’évacuer un sentiment de rivalité subrepticement infiltré dans mon désir d’elle depuis qu’elle m’a parlé de son « autre histoire ».

Le lendemain matin, elle m’a dit qu’elle pouvait maintenant accueillir mon désir sans attendre son désir à elle. Je suis ébloui par la tendresse et la générosité de son accueil. Elle m’a prouvé que ce ne sont pas seulement des mots ni des sentiments ; c’est ainsi que maintenant je respecte aussi mon désir : il n’est plus chargé de culpabilité et (pour cette raison ?) n’engendre plus de frustration.

Quand nous avons partagé cela, elle m’a serré fort contre elle, peau nue contre peau nue. Sous la peau saturée des odeurs nocturnes, des fluides d’amour qui sommeillent, des pensées et des paroles pas encore dites.

Plus tard, une de ses mains a effleuré et pincé légèrement mon mamelon comme pour satisfaire sa curiosité : les spasmes voluptueux que cette caresse produit en moi — un plaisir « typiquement féminin » selon la plupart des hommes — lui sont mystérieusement étrangers. Je retenais mon souffle pour qu’elle continue jusqu’à cela devienne insupportable.

Enfin, elle s’est mise à califourchon sur moi en accouplant nos sexes. La porte du paradis. La journée s’annonçait ensoleillée et la chambre était assez chaude pour qu’elle se montre entièrement découverte. Je suis ébloui par la beauté plastique de son corps, rose dans la lumière matinale, réalisant que cette silhouette me rappelait celle de Sada dans le film d’hier soir ; sauf que cette silhouette n’a aucune envie de m’étrangler, et qu’elle n’est pas une image : j’ai tout le loisir de la caresser, de l’extérieur avec mes mains et de l’intérieur avec mon sexe.

J’étais ivre de plaisir ; cette apparition s’est inscrite dans mon imagier érotique. Après quelques étreintes elle s’est presque complètement allongée sur moi et m’a demandé de ne plus bouger, puis elle s’est redressée, enveloppée dans la couette.

Mon cœur s’est mis à battre car c’est là que nous aurions pu « commencer » à faire l’amour. Après tout ce que j’ai écrit sur nos rencontres il peut paraître curieux de dire que nous n’avons jamais (pas encore ?) fait l’amour. Nous avons goûté toutes les caresses et presque tous les jeux menant à la jouissance du sexe. Mais c’est seulement ce matin, dans ces courts instant où elle reste droite, immobile, que j’ai la conviction que nous sommes encore au « seuil ». Mon sexe est dressé comme une braise ardente sous un foyer prêt à s’enflammer, mais l’embrasement n’a pas lieu car ce n’est pas le moment, pas l’endroit, pas le lâcher-prise intérieur, pas le désir amoureux en elle. C’est un feu qui ne part pas parce que l’atmosphère est encore trop dense.

Elle m’avait dit la veille que je n’avais pas encore touché la Femme sauvage en elle. C’est vrai, et c’est une autre manière d’exprimer ce que je viens d’écrire. Sur le seuil, la Femme sauvage est restée à l’arrêt, me fixant dans les yeux comme un fauve dominerait sa proie, puis elle a rebroussé chemin. Je l’ai enfin aperçue avec mes yeux, reconnue dans mon cœur, frôlée avec mon corps, alors qu’elle n’existait que dans les méandres de mes rêves.

Il est possible qu’elle ne se laisse pas approcher ou qu’elle ne veuille pas me prendre parce que ses pensées vont entièrement vers un autre homme. C’est une question sans importance pour moi car je suis comblé par ce que nous vivons, même à la frontière de territoires que nous visiterons un jour ou jamais. Pour elle je ne suis qu’un « passeur », ce qui n’implique rien de l’ordre du sentiment ni de l’appartenance, sauf qu’elle ne m’a pas rejeté après la traversée. Nous nous sommes répétés tendrement que nous n’étions pas amoureux l’un de l’autre, dieu merci, et c’est le moment qu’elle a choisi (ou qui l’a choisie) pour baiser voluptueusement mes lèvres. J’en veux encore.

Ses lèvres… Le bien le plus précieux qu’elle ne partage qu’avec le cœur. J’aime les contempler quand elle dort dans mes bras. J’aime les voir s’animer quand nos regards se croisent, sourire quand elle a du plaisir ou qu’elle jouit les yeux fermés. C’est elle qui vient vers moi dans ces moments de magie dont je ne cherche pas à connaître les ressorts secrets ; je préfère ne rien penser, me laisser surprendre, vibrer de plaisir quand ses lèvres font l’amour aux miennes.

Le lendemain nous avons marché, cueilli des fruits sauvages, écouté de la musique, parlé de la passion et de ce qu’elle vit en ce moment. Elle ne me parle pas de lui, je n’ai rien à faire dans leur histoire, mais elle décrit la rémanence du sentiment amoureux en l’absence de l’être aimé. J’ai beaucoup de plaisir à partager cela avec elle. J’aime la sentir amoureuse et j’aime que nous ne soyons pas amoureux.

Nous avons regardé presque entièrement Eternal sunshine of a spotless mind. Le film lui plaît mais elle a sommeil. Cette nuit, il fait chaud et elle me laisse seul. Il me plaît qu’elle soit allée dormir sans venir me serrer dans ses bras, sans souci des convenances, car ce serait bien plus douloureux de la quitter. Le sommeil est vite arrivé, balayant ma frustration.

Après le lever du soleil elle est venue me rejoindre, légèrement couverte. Elle m’a laissé la caresser quelque temps puis m’a annoncé qu’elle voulait surtout dormir. J’ai contemplé son visage pendant quelques heures, jusqu’à ce que le soleil monte et qu’elle ouvre les yeux. J’aime la voir sourire et me serrer contre elle dès le réveil, offrant sa peau douce à mes mains.

Après ce long moment de tendresse elle m’a proposé de lire un texte qu’elle venait d’écrire. Sur un cahier d’écolier à couverture grise, une écriture bleue qu’elle lit avec une émotion croissante : le récit d’un événement douloureux qu’elle a vécu à l’âge de six ans, un témoignage qui va droit au cœur, un de ceux qu’on souhaiterait que tous les enfants (et autres gens « en âge de comprendre ») puissent entendre pour ne pas subir les mêmes souffrances. Nous parlons de cela, de sa mère et du désir/besoin d’écrire pour guérir et transmettre.

Je vis une relation singulière avec cette femme. Nous nous sommes beaucoup écrit au sujet du désir, du sexe, au point que nos corps sont entrés dans l’intimité sans fausse pudeur. C’est elle qui avait souhaité que dès le premier regard je puisse la contempler nue et la caresser. L’expérience était abrupte mais nécessaire pour que le jeu social ne vienne pas fausser cette intimité construite à distance. Cela n’impliquait pas que le désir aille de soi, ni qu’elle vienne vers moi autant que j’avais envie d’aller vers elle. Nous nous faisons plaisir, plaisir à soi, plaisir l’un l’autre, avec toute la tendresse qui sied à notre amitié.

C’est pour cela qu’aujourd’hui encore elle me fera l’amour avec ses lèvres, ces mêmes lèvres qui m’expriment les bonheurs et les maux de son être.
— Je crois qu’il est temps de se lever…
— Lève-toi avant que j’essaie de te retenir !
Elle a quitté la chambre et je suis resté longtemps sans bouger, à questionner ma frustration : de quoi ai-je envie ? De jouir. Qu’elle me fasse jouir ? Je n’ai pas besoin d’elle pour cela, alors que l’ouverture du cœur que nous venons de vivre est unique et irremplaçable.

Je me suis levé pour prendre une douche froide et la rejoindre mélanger des graines, fruits sauvages et flocons de céréales. Nous sommes partis de l’autre côté du fleuve pour cueillir encore des fruits, puis elle m’a emmené découvrir un sentier très sombre à travers la forêt. Nous parlions de mille choses, progressant à travers le feuillage abondant jusqu’à une belle prairie ensoleillée.
— On pourrait faire des roulades sur l’herbe…
— Des roulades ou des galipettes. Mais quelqu’un pourrait nous voir ?
Un instant est passé sur l’image de nos corps nus sur ce tapis de verdure, fantasme conventionnel du soleil et de l’herbe tendre. Mais cela restera une image. Nous voici debout, face à face, croisant les regards, puis serrés l’un contre l’autre, et ses lèvres encore, avec la douceur et la lenteur qui me plongent dans un désir plus profond. Elle a invité mes mains à pétrir ses hanches et j’ai caressé son buste pour leur imprégner le souvenir de formes parfaites.
J’avais envie de te prendre, le dernier matin, alors que tu étais à la cuisine, vêtue seulement d’un pull. Tu me tournais le dos en pensant à lui, nous écoutions « sa » musique dans ce lieu où quelqu’un aurait pu nous surprendre : le territoire des autres… J’aurais saisi tes hanches en te murmurant à l’oreille de ne pas bouger, glissé mes doigts entre tes fesses pour réchauffer ton sexe après le bain, puis une main sous ton pull à la recherche de tes seins. Enfin, mon sexe se faufilant dans l’onctuosité entre deux doigts, pour t’envahir tout seul, fort car il faut faire vite (avant que le livreur n’arrive). Tu te serais inclinée en avant (la position que tu préfères) pour que je pénètre encore plus profond dans ce piège de volupté, serré vigoureusement, jusqu’à ce que je perde le peu qui me reste de sens moral.

Ou bien tu m’aurais offert la noisette la plus délicate, la plus tendre et la plus troublante de notre récolte, celle qui fait encore trembler mes doigts.

[Suite]

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