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26 novembre 2005 6 26 /11 /novembre /2005 00:58
Souvenir de la relation amoureuse la plus simple que j’aie jamais vécue…

C’est la dernière année de mes études. Je vis à Paris en collocation dans une maison « communautaire ». Il y a environ un an que j’ai perdu mon pucelage, lors d’une initiation un peu décevante que je raconterai un jour — j’y ai fait allusion dans « La voie lactée (1) ».

Cette maison, rue Raymond Losserand, est pour moi l’occasion de nombreuses rencontres, mais la timidité m’interdit tout jeu de séduction.

Il y a d’abord eu Sylviane, une fille que je désigne comme « la parisienne typique » : chaque fois que je lui parle d’une découverte, d’une conférence, d’un livre, elle répond : « Bof, je connais le type qui fait ça ! » Elle habite quelques maisons plus loin. Je ne sais plus comment, un jour, je me suis retrouvé dans son studio à boire un thé (je déteste le thé) puis dans le rôle du « type qui fait ça ». À peine mieux que la première fois. Trois minutes, montre en main ? Sylviane aime bien glisser un homme entre ses cuisses, grand soulagement pour moi après des années de branlette dans un pensionnat. Nous utilisons des capotes anglaises, ce qui fait que je n’ai aucun souvenir de contact intime. Donc, régulièrement, mademoiselle bof vient voir le type qui fait ça, dans ma chambre au deuxième étage. Nous restons une demi-heure face à face en méditation zen, puis nous baisons dix minutes. Cette histoire serait d’une parfaite platitude si elle ne m’avait appris que certaines femmes peuvent avoir du désir en certaines circonstances.

Un jour, Sylviane me dit, en remettant son sous-tif (beurk, des sous-vêtements) qu’elle a l’impression de me servir d’exutoire. Encore des mots de Parisienne, étudiante en lettres, pfff… J’ai cherché « exutoire » dans un dictionnaire puis je lui ai accordé qu’il vaudrait mieux arrêter cette pratique régulière du zazen (et-plus-si-affinités). Nous avons continué une relation amicale.

Sylviane n’était vraiment pas jolie à mon goût. Il faut dire que l’été précédent je suis tombé amoureux d’une déesse qui va devenir ma compagne. Mais nos amours resteront chastes pendant un an parce qu’elle ne se sent pas prête (sans compter que sa mère préfère qu’elle passe son bac d’abord).

Ensuite j’ai espéré me « faire » Alexandra, une top-model qui louait la chambre voisine de la mienne. Hélas, la « tigresse » (comme l’appelle la vioque célibataire de 35 balais qui occupe le rez-de-chaussée) est pratiquement toujours absente, ou bien elle rentre épuisée à des heures impossibles. En son absence je m’allonge donc sur son lit, le nez enfoui dans les couvertures odorantes, et je contemple ses photos nues dans le book qu’elle laisse traîner négligemment. Puis je vais faire mes trois heures de méditation quotidienne, un peu de yoga, un repas macrobiotique, et s’il me reste du temps je vais en cours.

Une jeune fille prénommée Claudine a pris la suite d’Alexandra. Je la trouve très jolie, longs cheveux noirs et un air espiègle, mais je n’ose pas l’aborder. Trois jours avant son départ, les voisins du premier ont organisé une fête avec des danses folkloriques. Claudine porte un joli pull de laine. À plusieurs reprises elle passe derrière moi, me bouscule — un pas de trop — et je sens pointer ses seins dans mon dos… Après la fête je vais dans sa chambre. C’est une ambiance bizarre : mon père, de passage à Paris, m’a emmené dîner et nous nous sommes disputés car je lui ai annoncé mon intention de ne pas assister au mariage de mon frère. Il désapprouve totalement ma manière de vivre : cette communauté écolo-mystico-gauchiste, ma fréquentation d’une jeune fille de famille anarchiste libertaire ; bref tout pour plaire à un ancien pétainiste recyclé dans la démocratie chrétienne.

Revenons à des choses bien plus gaies. J’ai pas mal de tristesse à évacuer car j’anticipe, une fois mes études terminées, un affrontement et la rupture avec ma famille. Claudine et moi parlons pendant des heures. C’est peut-être le seul jour de ma vie où je me suis senti « adolescent ». Plus tard, je crois, des gens bien intentionnés ont inventé de longues années d’adolescence pour fournir de la clientèle aux psys et aux magazines spécialisés.

Je ne vois pas vraiment la situation avancer avec Claudine. J’applique donc « ma tactique » : je propose que, dans les deux minutes qui viennent, on s’arrête de parler pour jouer à faire exactement ce dont on a envie. Une fois de plus, ça marche. Ses lèvres sont délicieuses. Mes mains glissent sous son pull pour une expédition punitive à l’encontre de ces formes insolentes qui ont tant sollicité mon imagination. J’y trouve, en contact avec la laine, mmmh j’adore la laine, deux pommes gonflées de désir — pour la première fois, une femme qui gémit de plaisir quand je prends ses seins à pleines mains. Elle n’a pas hésité à plonger les siennes dans mon pyjama de coton indien…

Nous avons décidé de consacrer à des jeux érotiques les trois dernières nuits de son séjour, quitte à plus se revoir ensuite. Elle a un petit ami auquel elle tient, et moi la femme de ma vie qui m’attend… Il n’est donc pas question d’autre chose entre nous que de plaisir sexuel. Une contrainte toutefois : je ne devrai pas jouir en elle, d’abord par égard pour son ami, mais aussi à cause du risque de fécondation.

Elle est au lit quand je la retrouve dans sa chambre après un brin de toilette. Avant de m’allonger j’enlève tous mes vêtements. Elle dit « moi aussi » et se relève pour ôter son pyjama. C’était quand même drôle de ne pas oser se montrer nus après avoir décidé de passer trois nuits ensemble.

J’ai aperçu un corps de biche qui me fait oublier les photos d’Alexandra. Une petite excroissance, juste au dessous du clitoris, m’a intrigué. J’ai retrouvé cette rareté anatomique chez deux autres amantes. Nous faisons l’amour sans nous accoupler, seuls mes doigts ayant un laisser-passer. Le désir monte, monte, et je finis par arroser son ventre en m’excusant. Elle rit de ma gêne. Peu de temps après, l’aspiration est si forte que mon arbre glisse en elle. Une fois, deux fois, la troisième je n’ai plus le courage de me retirer, tellement son jardin d’amour est intense en mouvement, brûlant, accueillant… Nous continuons ainsi, avec des accouplements dont je me retire au moment de jouir. Ce n’était certainement pas une méthode fiable — j’en percevais une certaine frustration — mais elle mettait en valeur ce contrôle-de-soi dont j’étais si fier à l’époque.

Claudine me fait entièrement confiance. Elle souhaite quand même que je l’aide à découvrir l’orgasme. Bien entendu, je ne sais rien de l’orgasme féminin et encore moins de l’anatomie féminine, mais j’assume cette tâche avec un parfait professionnalisme : respiration profonde, visualisation — ne suis-je pas le yogi du 14e arrondissement ? Le grand frisson n’est pas venu pour elle, mais j’ai pu y croire parfois. Il n’empêche, quelle fête…

Le troisième jour elle a quitté la maison et je ne l’ai plus jamais revue. J’en garde un souvenir de grande pureté et de parfaite sincérité.

De nombreux couples fondent leur relation sur une expérience sexuelle très intense. Si tel était le cas, Claudine et moi aurions dû décider de vivre ensemble. Mais nous avions tous deux conscience que nous étions là pour nous rencontrer en épuisant l’objet de cette rencontre. Je ne sais pas pour elle, mais en ce qui me concerne le fondement du couple était dans bien d’autres dimensions que je vivais déjà avec Aimée. Le contraste de ce que je vivais à la même époque avec deux jeunes femmes me procurait un avant-goût des mille chemins du désir.

Je pourrais dire aujourd’hui que Claudine fut ma première partenaire « tantrique », parfaitement adaptée au lieu et aux circonstances dans lesquelles je vivais. J’ai appris par elle que le toucher est bien plus important que le regard : un beau corps de femme n’est rien s’il n’est pas béatifié par un désir partagé. La rencontre de la beauté et du désir était vraiment pour nous le moment de magie.
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