19 novembre 2005
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23:21
Samedi 18h10
J’étais en train de lire « La douce empoisonneuse » d’Arto Paasilinna, quand elle est entrée sans frapper. « Bonjour Julien… » On ferme le livre, exit Linnea et Kauko, c’est Marie, là, devant moi, demi-sourire ; pas celle de mon roman-blog, non, Marie la vraie !
Le fil se déroule. Tout à l’heure j’ai demandé à F. si je pourrais dormir au local de son association sans me souvenir que Marie y travaille le samedi. J’avais envie d’être seul. L’amie qui m’a reçu hier soir chez elle m’a lancé, en me déposant au métro : « Au fait, ce soir, tu n’aurais pas un rendez-vous amoureux, par hasard ? Tu ne m’as rien dit à ce sujet ! A bientôt ! » Le rendez-vous, c’était toi, hier soir, ma belle, mais on a passé la soirée à siffler du rouge en réinventant la psychanalyse et la littérature…
Marie me fait parler de projets et de gens qu’elle connaît, avec qui je travaille. Elle me demande des nouvelles d’un bébé qui n’est pas encore né, à croire qu’elle m’en croit le géniteur. Regards fuyants, à la surface des sentiments. Je connais trop ce visage pour ne pas en deviner la composition. Un fond de teint de grande personne responsable, le cœur au goutte-à-goutte de la bienveillance, à défaut de charisme. Je l’ai souvent vue ainsi à mes côtés, quand elle s’adressait à d’autres sur le ton de l’indifférence mondaine, limite pimbêche. Au prix d’efforts considérables, elle fait barrière à tout ce (tous ceux ?) qui pourrait la toucher. Son dos est figé, dur entre les épaules. Mais aujourd’hui c’est moi qui suis dans le public.
Seuls — comme deux adolescents pris en faute entre deux étages — et rigides de bienséance, nous faisons figure de tortues couchées sur le dos, agitant vainement les pattes. Cet entretien est minable. J’ai hâte que l’un de nous deux se décide à partir.
18h15
— « Je ferme la porte ? »
— « Non, laisse. Je dois sortir aussi. »
Elle descend l’escalier ; Marie descend l’escalier. Je vois son dos se relâcher un peu, une ondulation à peine perceptible dans sa démarche.
Mon amour.
J’étais en train de lire « La douce empoisonneuse » d’Arto Paasilinna, quand elle est entrée sans frapper. « Bonjour Julien… » On ferme le livre, exit Linnea et Kauko, c’est Marie, là, devant moi, demi-sourire ; pas celle de mon roman-blog, non, Marie la vraie !
Le fil se déroule. Tout à l’heure j’ai demandé à F. si je pourrais dormir au local de son association sans me souvenir que Marie y travaille le samedi. J’avais envie d’être seul. L’amie qui m’a reçu hier soir chez elle m’a lancé, en me déposant au métro : « Au fait, ce soir, tu n’aurais pas un rendez-vous amoureux, par hasard ? Tu ne m’as rien dit à ce sujet ! A bientôt ! » Le rendez-vous, c’était toi, hier soir, ma belle, mais on a passé la soirée à siffler du rouge en réinventant la psychanalyse et la littérature…
Marie me fait parler de projets et de gens qu’elle connaît, avec qui je travaille. Elle me demande des nouvelles d’un bébé qui n’est pas encore né, à croire qu’elle m’en croit le géniteur. Regards fuyants, à la surface des sentiments. Je connais trop ce visage pour ne pas en deviner la composition. Un fond de teint de grande personne responsable, le cœur au goutte-à-goutte de la bienveillance, à défaut de charisme. Je l’ai souvent vue ainsi à mes côtés, quand elle s’adressait à d’autres sur le ton de l’indifférence mondaine, limite pimbêche. Au prix d’efforts considérables, elle fait barrière à tout ce (tous ceux ?) qui pourrait la toucher. Son dos est figé, dur entre les épaules. Mais aujourd’hui c’est moi qui suis dans le public.
Seuls — comme deux adolescents pris en faute entre deux étages — et rigides de bienséance, nous faisons figure de tortues couchées sur le dos, agitant vainement les pattes. Cet entretien est minable. J’ai hâte que l’un de nous deux se décide à partir.
18h15
— « Je ferme la porte ? »
— « Non, laisse. Je dois sortir aussi. »
Elle descend l’escalier ; Marie descend l’escalier. Je vois son dos se relâcher un peu, une ondulation à peine perceptible dans sa démarche.
Mon amour.
[Suite]