Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
17 février 2006 5 17 /02 /février /2006 08:38
« Les gens heureux sont chiants », écrit Nina avec son talent blogocréatif habituel. Putain, ya pas un(e) patron(ne) de presse pour lui offrir un job ? … Comment ça, trop honnête ? … La photo… Quelle photo ? Connard !

Toute une littérature bisou-bisoux et petits cœurs clignotants-gif-animés pour diabétiques du Web trouve sa raison d’être dans l’échangisme de bonnes manières. C’est chiant, sauf pour les auteurs et leurs proches, mais on n’est pas obligé d’y aller.

Le chiant dont parle Nina est plutôt le couple bien dans sa peau, aux heures de pointe, et vas-y que je te mets la langue, à bout de souffle en bout de quai. Soit ceux là se donnent en spectacle, soit ils nous renvoient l’image de la foule aveugle, indifférente ; car il y a longtemps que les Séraphine, Marie, Patricia ou Séverine ne viennent plus au « Point rencontre ». Je descends directement au métro, chouette j’ai gardé un ticket du dernier voyage, chiotte que cette valise est lourde :-(

Pourtant ça n’a rien à voir. J’ai été dans cette bulle, parfois, mon bel amour cœur à cœur. On oublie le lieu, le bruit, les gens, parfois son sac. J’ai imaginé une fois, pour me faire peur/plaisir, que tous mes collègues de bureau avaient contourné l’obstacle avec un regard désapprobateur. D’ailleurs c’est arrivé une fois pour l’une d’entre elles, gare de Lyon, je me marre. Mais ces pensées ne mènent à rien : je n’ai que le souvenir de lèvres très douces, de poitrines calfeutrées de laine et d’étreintes au seuil de la douleur.

Je me souviens aussi que, dans ces rares occasions, il était important pour nous de vivre ce moment « au milieu du monde » avec vue sur la mer si possible. Le monde n’était pas une population hostile, mais une marée qui s’écoulait autour de nous ; un vrai bain de foule, en quelque sorte.

C’est vrai, côté fleuve nous imaginons un périmètre de sécurité autour du couple indécent. Mais c’est nous qui le construisons, car eux sont venus chercher l’immersion. Alors, quand ce n’est pas de l’exhibitionnisme, et même si nous acceptons de leur accorder un regard autre que moraliste ou voyeuriste, pourquoi ce malaise ? L’image du bonheur ? Oui, mais après ? La rivalité ? Je voudrais être elle, lui… eux ?

J’ai mis du temps à comprendre qu’une relation amoureuse n’avait pas besoin de choisir son camp entre l’exclusivité et le papillonnage. Car on entend ça : de 20 à 30 ans on est supposé former un « couple uni », autrement dit refermé sur sa chambre à coucher, de 30 à 40 ça flotte un peu, petits flirts en catimini, puis à 40 ans (ou peut-être à 50 ?) les hommes sont pris par le « démon de midi ». Si c’est bien lui, le diable s’est trompé d’heure et m’a tiré du lit !

À côté de ces stéréotypes sociaux pour séries télévisées, je voudrais parler de la relation inclusive : celle qui me comble de joie, en ce moment, d’apprendre que Patricia n’a plus l’énergie de m’écrire parce qu’elle vit une belle histoire un peu folle avec Adrien. Lui, je n’ai pas besoin de le connaître pour aimer ce qu’il aime, car j’ai encore, inscrit sur les mains, le corps, la langue, le sexe, tout ce que je ressens lorsque Patricia m’ouvre sa porte. J’aime ce(ux) qu’elle aime et j’aimerais les serrer tous deux dans mes bras. Lui n’aimerait pas, tant pis, mais il n’y a aucune espèce d’obligation à aimer ceux qui vous aiment.

Dans un stage de tantra il y avait de longues séances où l’on pouvait danser en musique. Des couples se formaient mais cela n’avait rien à voir avec les (beurk) boîtes de nuit. Le but de l’exercice était de faire l’expérience de l’inclusivité au moins pendant quelques minutes, sans enjeu sexuel. Chacun, homme ou femme, allait donc vers la personne qui l’attirait le plus sur le moment, sans se préoccuper de savoir si elle était déjà « prise ». La seule règle était le consentement de la personne approchée. Les couples devenaient des triangles, des carrés, des grappes là où l’attraction était plus forte, mais sans raideur aucune. La séparation était des plus faciles puisque personne n’avait plus peur de se retrouver seul.

Dans ces jeux de rôles très agréables nous avons fait l’expérience, en raccourci, d’une polygamie bien vécue. Certes, les choses sont bien plus complexes quand on y inclut la fusion sexuelle, le désir d’enfant, le besoin de sécurité matérielle, les rêves de carrière ou de voyages, les grands sentiments que nous ont légués nos ancêtres, le fric, le pacs ou le mariage. Peu importe, il s’agit simplement de briser un interdit. J’ai souvent dit que la jalousie — cette face cachée d’une passion aliénatrice — était le poison de l’amour. Ici, je parle de passer à l’étape suivante : s’affranchir aussi de la rivalité. Du reste, pas besoin de stages mysticothérapeutiques pour cela, on peut faire les mêmes découvertes entre amis.

Après cela, je peux regarder le couple qui s’embrasse dans la rue, me nourrir un peu de leur bonheur, comme je jouis de l’odeur du café devant une brûlerie, ou du regard d’Adrien sur Patricia.

Le bonheur des autres me fait chier, mais le bonheur avec les autres met beaucoup de piment dans ma vie. (Je ne crains pas le piment.)
Partager cet article
Repost0
16 février 2006 4 16 /02 /février /2006 14:20
Une amante m’a un jour envoyé ce texte dont je ne connais pas l’auteur. (Le Quid ? L’Almanach Vermot ?)
Lilith fut la première femme d’Adam, même si la Bible évite de mentionner son nom. On trouve son histoire dans le Zohar : « Lorsque Jéhovah créa Adam, il créa en même temps une femme Lilith, comme lui tirée de la terre. Et elle fut donnée à Adam comme épouse. Mais il survint de la brouille dans le ménage, pour une question qui devant les tribunaux ne pourrait se débattre qu’à huis clos. Elle prononça le nome ineffable de Jéhovah et s’enfuit par les airs, laissant là son mari… »

Ainsi le sujet de brouille entre Adam et Lilith était d’ordre sexuel. Plus précisément, Lilith refusa de s’allonger constamment sous Adam pendant l’acte sexuel dans la mesure où cette position consacrait la suprématie d’Adam. Donc, la première fêlure, le premier conflit entre l’homme et la femme portait sur deux problèmes clés et conjoints, le sexe et la puissance. Lilith refusait le jeu de l’oppression et réclamait l’égalité. Autrement dit, encore, la paix avait déjà pour condition une égalité entre les sexes. Doit-on tout de suite extrapoler que la paix ne sera effective sur terre que le jour où l’homme et la femme auront trouvé le moyen d’engendrer une civilisation sans maître et sans esclave, dans le respect et l’épanouissement des deux polarités ?

(…) Adam réclama sa moitié à Dieu qui envoya trois anges à la poursuite de Lilith. Ils la trouvèrent sur la mer Rouge et lui intimèrent l’ordre de regagner le domicile conjugal, sous peine de perdre cent de ses enfants par jour. Mais le coeur maternel de Lilith ne vibra pas, elle refusa d’obtempérer et finalement « Jéhovah donna Lilith à Satan ou Sammaël ». A partir de là, le visage de Lilith prend des connotations répulsives. Elle symbolise la puissance féminine maléfique, démon aux longs cheveux, avec des ailes, un corps de serpent et des griffes, fille des ténèbres, maudite, vivant dans la douleur. Mère terrible et dévoreuse, elle inspire la terreur, tout à la fois Gorgone, Méduse, Chasseresse, Vampire, créature de la nuit et du chaos. Elle s’apparente alors à Lilith de la tradition sumérienne qui représente un esprit de licence et de lascivité, une ravisseuse nocturne qui vient séduire les hommes pendant leur sommeil, une voleuse et dévoreuse d’enfants. Sa séduction est mortelle et elle n’engendre que des monstres.

(…) Comment ne pas s’enfuir, comment ne pas vouloir oublier et nier une image aussi dévalorisante de la féminité ? Associer la liberté de la femme à une image terrifiante pour que l’homme et la femme la repoussent à jamais. Inlassablement, les dieux du patriarcat vont alimenter cette image négative de la femme libre et puissante, qu’elle s’appelle Ihtar, Géa, Cybèle, Kali, Isis. (…) Lilith ne détient sa puissance que de son refus, de sa liberté et de son silence. Donneuse de mort et donneuse de vie, elle est l’irremplaçable médiatrice au moment du grand passage, l’initiatrice, la poseuse d’énigmes, l’éveilleuse implacable, la gardienne des seuils interdits. Comme toutes les grandes déesses mères, elle peut aller jusqu’au sacrifice du fils-amant pour qu’il naisse à sa liberté et à sa lucidité.

(….) Le pouvoir de transformation spirituelle de la femme, en relation avec sa sexualité, ne saurait se développer dans une relation d’asservissement avec l’homme. C’est donc pour sauvegarder sa vertu essentielle que Lilith s’est révoltée contre Adam, pour préserver cette liberté créatrice qui est d’héritage divin. Lilith peut faire un mauvais usage de son pouvoir et de sa liberté tant qu’elle n’a pas acquis la sagesse de son rôle, d’où les errances qu’on lui prête et les peurs qu’elle suscite. (…) La révolte de Lilith apparaît comme l’indispensable condition d’un parcours d’apprentissage initiatique permettant à l’homme et à la femme de se chercher et de se trouver, de s’aider réciproquement à épanouir l’être intime féminin pour l’homme, masculin pour la femme. (….) A l’entrée de Notre Dame, Lilith veille entre Adam et Eve. (…)
Je suis en train de lire le bouquin de Paule Salomon, « Bienheureuse infidélité », car je m’en voudrais d’en rester aux critiques de ses articles dans la presse new-age. Les postulats historico-anthropologiques du premier chapitre me rebutent profondément, mais ça se passera peut-être mieux après les préliminaires. J’en ferai une note de lecture quand ça deviendra sérieux. C’est son paragraphe sur Lilith qui m’a sonné l’idée de ressortir et mettre en ligne le texte ci-dessus.
Partager cet article
Repost0
15 février 2006 3 15 /02 /février /2006 13:06
Nam recherche Karine Lutz, qui habitait un petit village près de Dijon (21).
Partager cet article
Repost0
13 février 2006 1 13 /02 /février /2006 23:54
Et si la vie n’était ni une ligne droite, ni cercle ni spirale, ni rien de connu ?

Kundera écrit dans « L’ignorance » :
[La mémoire] n’est capable de retenir du passé qu’une misérable petite parcellette sans que personne ne sache pourquoi justement celle ci et non pas une autre, ce choix, chez chacun de nous, se faisant mystérieusement, hors de notre volonté et de nos intérêts.
Ce qui échappe à l’oubli, dans une relation amoureuse, ce sont des fragments, sensations fugaces et images surexposées qui résistent à tout emboîtement ; nous en avons perdu le fil, le sens, le temps.

Autrement dit : une histoire d’amour n’a pas de sens, pas d’histoire. C’est une perte de temps !

Je m’amuse à relier ces fragments par un fil de mémoire vive — celle de l’écriture — pour les agiter ensuite comme des colliers.
Partager cet article
Repost0
7 février 2006 2 07 /02 /février /2006 17:22
Je réponds en différé à l’article de Nina, « La beauté féminine » — comment ne pas être inspiré par un tel sujet ? En fait, j’ai déjà répondu sur son blog mais j’y ai repensé depuis.

Quand on commence par parler de manière générale du couple, de la fidélité et de la liberté, en toute honnêteté on finit par se poser la question : suis-je jaloux/se par nature ? Il y a une réponse « à froid » qui dépend de ses convictions et de ses croyances, et puis des réactions à chaud — quand ça se met à chauffer, et que le partenaire sexuel préféré, comme disent les Américains bien élevés, se prend l’envie d’aller voir ailleurs ou se fait la malle.

Ce qu’écrit Nina concerne surtout la rivalité que je distingue nettement de la jalousie. Elle me paraît inévitable dans la vie sociale : la personne qui passe devant toi à la Poste, celle qui répond à ta place dans un débat… Je crois qu’il est naturel de ressentir une montée d’adrénaline et de testostérone chaque fois qu’un homme ou une femme exerce devant nous un pouvoir de séduction que nous ne pouvons pas égaler ou surpasser. C’est « naturel » au sens que la tension tombe d’elle-même sans que nous fassions quoi que ce soit. On peut finir par rire de soi.

La jalousie me paraît liée à un conditionnement psychologique qui vient de bien plus loin : la peur de se retrouver seul, le sentiment d’abandon, le déni d’existence, tout ce que les parents « civilisés » savent si bien cultiver chez des nouveau-nés abandonnés dans le noir, privés de contact, et plus tard privés de parole. Une parenthèse : ça fait plus de vingt ans que les primatologues ont montré expérimentalement les conséquences désastreuses de la privation sensorielle (toucher, mouvement, odorat), qu’Alice Miller a écrit « C’est pour ton bien » (Du sollst nicht merken), mais les pédiatres français, et une bonne partie des psy, continuent à prêcher les vertus supposées de la « socialisation » et de la « coupure du cordon ombilical »…

Ces peurs sont donc enracinées en grande partie par cette violence éducative qu’il n’est pas encore politiquement correct d’assimiler à de la maltraitance. L’adolescence sur ce fond de violence — avec des parents qui n’ont rien compris à leur responsabilité — n’est pas faite pour calmer le jeu. Au contraire, ces enfants qui étaient si sages à la crèche finissent par se réveiller, on devrait s’en réjouir.

Plus tard, pour exorciser ces peurs et résoudre en partie les tensions, nous allons souvent spontanément à la rencontre de gens ou de situations qui nous remettent en danger. Il n’y a pas de limite à l’escalade, jusqu’au crime passionnel qui amène certains à détruire ce qu’ils ont si peur de perdre.

On dit parfois que telle personne est maso parce qu’elle se remet avec un type ou une fille qui a exactement les mêmes problèmes que son ex… Je pense que c’est le signe qu’on a besoin de reproduire la situation tant qu’on n’a pas résolu le problème à la source. Permettez-moi de douter que le couple monogame moderne soit la meilleure thérapie. Ceci dit, j’adore regarder Friends.

Mon propos paraîtra excessif, mais je tiens à souligner la continuité entre la gentille passion teintée de romantisme et celle — dont soudain on décrète qu’elle serait devenue « aveugle », comme si elle était lucide au départ — qui peut nous conduire à des actes (auto)destructeurs. C’est simplement une question de dosage, peut-être même un dosage d’hormones… La barrière qui empêche le passage à l’acte est une construction sociale. Or, les constructions sociales deviennent fragiles dans les périodes de changement ; et puis il y a tant de manières de détruire quelqu’un sans lui tirer une balle. Le harcèlement, vous connaissez ?

J’ai eu la chance de rencontrer une femme qui n’a jamais subi ce conditionnement. Entre nous, il n’y a jamais eu de peur que « l’autre » s’en aille bien que la porte soit toujours restée ouverte. De la rivalité, oui, nous en avons vécu et nous en vivrons encore. Mais, dans les relations éphémères avec d’autres femmes, j’ai été confronté à cette peur d’abandon et aux mécanismes de jalousie qu’elle met en route. J’ai beaucoup de gratitude envers Patricia, mon amante saisonnière, d’avoir exploré sans complaisance les mécanismes de l’attachement et de l’abandon (un leitmotiv dans « La voie de l’extase (5) »).

Au delà des grands sentiments et des grands principes (la fidélité-exclusivité, la liberté sexuelle), il me paraît important de faire le point, chacun pour soi, sur sa « sécurité affective », autrement dit les raisons de notre besoin de vivre en couple dans une relation stable jamais remise en question. J’avoue que c'est difficile de le faire sincèrement. Il est tellement plus gratifiant de servir d’exutoire à ce besoin affectif qui, pour moi, n’est pas de « l’amour »...
Partager cet article
Repost0
6 février 2006 1 06 /02 /février /2006 12:15
Elle me rend fou et je déteste ça.

Cette belle insouciance que je cultive dans ma vie affective — ne pas donner prise aux jeux de séduction, rester zen en toutes circonstances, jouer à l’esthète qui apprécie le beau sans prétendre le posséder — cette insouciance se casse la figure en face d’elle. Je retrouve en moi l’adolescent impatient après des années de privation affective et de célibat forcé.

Ce qui m’énerve, pour commencer, c’est qu’elle porte un prénom suédois, alors qu’elle n’est pas plus suédoise que vous et moi. Même pas tout à fait blonde. En finir avec les fantasmes sur les Suédoises et les petites Anglaises, pfff, vas-y mollo pépé, le viagra c’est sur ordonnance !

Non, cette jeune personne — je ne sais même plus s’il est plus politiquement correct de dire « jeune fille » ou « jeune femme », disons « jeune étudiante »… comme s’il y en avait des vieilles, et pourquoi cette manie de classer les femmes selon qu’elles ont ou non déjà « servi », ou par date limite de consommation, comme les produits frais au supermarché ? Bon, bref, Solveig pour ne pas la citer, me rend fou. Je l’ai déjà dit mais j’aimerais comprendre pourquoi. Elle travaille comme stagiaire avec ma collègue préférée, qui me connaît assez pour se délecter de mon trouble sans piper mot. (J’aime bien le verbe « piper » dans ce contexte…)

Pour être belle, sûr qu’elle l’est, je ne pourrais pas la décrire sans tomber dans la banalité du canon esthétique dont nous sommes abreuvés par les médias. J’aimerais qu’elle me fasse l’amour et j’en ai rêvé, je crois que ça résume tout. Elle a vraiment la bouche de Scarlett Johansson, c’est con, et en plus ça aggrave mon cas de l’avoir remarqué.

Solveig est douée pour le boulot. Ma collègue en rajoute donc sur le ton « tu aimerais qu’elle me remplace ! », doublement ambigu parce que, le critère du choix n’étant pas énoncé, la rivalité ne s’exprime pas clairement. Il y a beaucoup de connivence entre nous, quelques confidences sur notre vie personnelle, mais le jeu s’est jusqu’ici limité à porter un regard amusé sur les turpitudes de nos collègues de travail. Or, depuis que Solveig est entrée dans le cercle, les barrières convenues ont tendance à voler en éclats. Allez, je vais me déculpabiliser en imaginant des jeux d’attirance entre les femmes…

Solveig me sourit volontiers sans y être invitée. Elle aime qu’on l’apprécie et j’ai du mal à trouver le ton juste pour qu’elle reconnaisse mon appréciation « objective » de ses aptitudes sans que d’autres pensées ne viennent interférer. Je suis debout à lui montrer quelque chose à l’écran, les doigts tremblants sur la souris, elle m’invite à m’asseoir, mais je reste debout, dans une gaucherie incroyable, paralysé à l’idée qu’elle ait pensé à mon bien-être physique.

Une fois la porte refermée entre les bureaux, c’est une situation très banale. La beauté, l’intelligence et la sympathie ont bien le droit de cohabiter. Mais ce qu’elle me renvoie, c’est que j’ai besoin de trouver quelques imperfections pour avoir de l’ascendant. « Ascendant », quel joli mot pour masquer la séduction ou la manipulation !
Partager cet article
Repost0
2 février 2006 4 02 /02 /février /2006 19:50
Hier soir, je suis seul chez des amis qui habitent un petit village et je sais que je vais mourir. Il faut que j’écrive à Aimée pour lui annoncer la nouvelle et qu’elle ne m’attende pas pour le repas, mais leur foutu PC s’obstine à modifier les adresses : le ‘3’ se transforme en ‘6’, et pas moyen de trouver le ‘@’ sur ce clavier à la con. Ouf, ça y est. Je clique « Envoyer » et la connexion se lance. Drrring, pshhhhh… Mais pas moyen, l’authentification a échoué. Ces enfoirés ne m’ont pas laissé le bon mot de passe. J’ai pas le temps, moi, c’est ce soir que je meurs !

La connexion finit par se faire sans que je sache comment. Je me dis que peut-être Aimée va s’inquiéter pour rien ? Pas grave, en chemin je m’arrêterai à une cabine téléphonique pour lui annoncer que je ne suis pas encore mort. Ça lui fera plaisir. Vraiment, un chic type comme moi, elle va regretter.

Après avoir fermé la maison, je me suis assis au volant, j’ai tourné la clé. C’est à ce moment que le réveil a sonné.

Ce matin j’ai roulé un peu plus lentement sur l’autoroute. (Il y avait du brouillard.)
Partager cet article
Repost0
16 janvier 2006 1 16 /01 /janvier /2006 01:09
Dans « Fresques », Marie B. écrit :
Le sexe est exutoire… C’est bien connu !
Je n’y ai pas retrouvé la jubilation de mes vingt ans…
Exutoire… J’avais cherché ce mot dans le dictionnaire quand Sylviane, une partenaire de quelques jours, m’avait écrit qu’elle se sentait mon exutoire (voir « Andrzej »). Elle avait raison, bien sûr, et ça m’a titillé longtemps.

Je comprends la mentalité des salles de garde, où l’on a besoin d’évacuer des émotions rentrées et une image pas très belle du corps humain. Je comprends sans y adhérer car en tant qu’homme je suis allergique à cette ambiance. Pour une femme c’est une autre histoire, apparemment elle a le choix entre la fuite et la surconsommation ?

Bref, je crois (j’espère) avoir pris un peu de distance avec cette idée de consommation sexuelle et je doute que ce soit juste un effet des hormones : si j’aime les rencontres rares et intenses, par contre j’aime jouir autant qu’il me plaît, surtout après une journée laborieuse. Pour moi ce serait donc plutôt la jouissance à elle seule qui est exutoire, mais ce défoulement se passe de partenaire. Dans certaines relations j’ai été gêné par le fait de sentir que mon amante essayait de m’entraîner dans son défoulement à elle. C’est bon une fois — allez, deux fois — mais assez vite je me sens manipulé.

Il est vrai que j’aime être manipulé, tant que ça me procure du plaisir.

Sur ce, je vais boire un café, me coucher et me caresser.
Partager cet article
Repost0
14 janvier 2006 6 14 /01 /janvier /2006 20:56
La volcane m’envoie une citation de Marguerite Duras qu’elle veut bien faire sienne :
Il devrait y avoir à la fin de chaque vie, une fois que les interdits qui ont étouffé votre jeunesse sont dépassés, quelques années de printemps gagné.
Elle commente :
Autrement dit : printemps, été, automne, et puis encore printemps avant l’hiver… ou encore été indien ?!!
Argh... Elle nous voit déjà dans des fauteuils roulants !

Je médite sur ces paroles dont je ne peux pas encore réfuter la sagesse, et sur l’éblouissante analyse de Marie B. dans « Insaisissable ».

Des femmes font gratter la tête d’un loup gris, un soir de pleine lune… Ce devrait être interdit ! Il me reste pourtant à livrer le troisième sommet du triangle — le plus sensible. Stay in touch !
Partager cet article
Repost0
13 janvier 2006 5 13 /01 /janvier /2006 23:10
Nous avions 18 et 21 ans. Le matin de ma rupture avec Blanche, j’avais débarqué chez A. pour annoncer à sa mère que j’emmenais sa fille au cœur du monde : 13 000 kilomètres, par les moyens du bord, sur des routes incertaines. Blanche renonçait à ce voyage car partir ensemble n’avait plus de sens malgré l’estime restée intacte entre nous. Mère et fille avaient dit oui sans hésiter.

Le cœur du monde en pleine mousson. Un fleuve démesuré vomi par une montagne démesurée. Une ville en plein délire mystique que nous traversons sur une carriole à cheval. Mon amour se blottit contre moi ; elle est mon chemin, je serai son compagnon mais elle ne le sait pas encore. Elle n’a pas voulu « prendre la place de ma fiancée », un soir où nous écoutions le concert des crapauds-buffles, mais elle n’est pas choquée par la folie de mon désir.

Jamais — sauf une seule fois, il faut être honnête — je ne rencontrerai une femme aussi belle.

Pendant un trajet nocturne, des pauvres gens ont volé nos sacs de voyage à l’exception des deux qui dormaient sous nos têtes. Ils étaient remplis de choses excédentaires pour nous : des médicaments, des livres, des sous-vêtements, une réserve d’argent au cas où. Nous sommes devenus légers, et ma belle encore plus belle avec son buste de sirène qui gonfle une voile de coton. Habillé comme les gens d’ici, des hommes s’adressent à moi dans une langue que je ne connais pas encore. Ils finissent par conclure que je les snobe avec mon anglais, à moins que je sois « du sud », ce qui aggraverait mon cas. Quant à la sirène aux yeux bleus, ils ont décidé qu’elle était russe et digne de respect à ce titre.

Le palefrenier a claqué sa langue pour arrêter son cheval. La route s’arrête ici, à l’entrée étroite d’un pont dont le nom signifie « balançoire ». Nous marchons sur des planches incertaines, au dessus du grondement des eaux en furie, assaillis par des dizaines de mendiants. De l’autre côté, des temples, des monastères enchâssés sur le bord du fleuve, hâvres de paix pour les bigots nationalistes. C’est aussi nul que Lourdes et tous les lieux de pélerinage, mais nous qui ne savons rien de rien y trouvons quelque chose d’exotique. D’ailleurs, ces lieux seront bientôt envahis par les babacools, junkies et autres nouvelles-frontiéristes. Pour le moment, ni pélerin ni touriste, car une partie de la journée le ciel nous tombe sur la tête à grands seaux. Une eau tiède qui nous met le sang en ébullition.

Nous avons commencé à suivre le fleuve sur un chemin sablonneux supposé nous mener à sa source, la tête remplie de récits de voyages plus ou moins fantaisistes. Un petit temple nous reçoit avec son bassin rempli d’eau claire et des jeunes filles qui viennent y remplir des cruches d’eau potable. Nous jouons à nous asperger pour faire disparaître les traces de sable de nos habits blancs. De blanc ils ont viré translucides et me livrent un magnifique spectacle. Le temple est maintenant orné d’un lingam supplémentaire. La sirène sourit de ma gêne et les jeunes filles s’éloignent en pouffant de rire.

Une heure plus tard, nous atteignons un vieux bâtiment proche d’une rivière qui se jette dans le fleuve sacré. C’est le « monastère des fleurs », dans cette langue que nous ne connaissons pas encore. Un jeune moine nous offre l’hospitalité. Le soir, il me prend en aparté pour me convaincre de séjourner plus longtemps ; il m’explique, le regard pétillant, qu’il a eu pendant un mois la visite de « deux belles disciples italiennes ». C’est un peu trop pour moi. Le lendemain nous le remercions et reprenons la route dans la vallée de la rivière. Nous atteignons un hameau, deux ou trois chaumières au milieu des rizières, et une grange où s’abritent les animaux de trait. Nous avons renoncé aux nourritures terrestres, depuis le pont, vu qu’il n’y a rien à acheter dans la campagne. Il nous suffit de baigner dans l’ivresse de cette nature liquéfiée, si bien rendue sur les estampes chinoises ou coréennes. Je me suis plongé nu dans les tourbillons d’eau fraîche qui caressent mon sexe, et je ne tarde pas à jouir. Elle rit de l’impudeur de mon aveu.

Un paysan nous offre fièrement l’hospitalité sous la grange. Quelle chance, il n’y a qu’un lit tissé de cordes qui vont nous serrer l’un contre l’autre. À côté du lit, un âne et un bœuf : personne ne me croira quand je raconterai ça !

Je ne me souviens pas si la lune était pleine car les nuages nous plongeaient dans l’obscurité. Notre désir a grandi, nos lèvres se sont rencontrées, scellant l’évidence de notre amour, et ne se sont pas quittées de la nuit. Nos corps, tendus sous les caresses, couverts de coton dans une étrange intimité. Heureusement, la rivière m’avait un peu apaisé.

Le lendemain nous avions des courbatures aux lèvres et nous avons continué notre pélerinage en silence. Quelques jours plus tard j’ai écrit un petit poème dans mon carnet de voyage, dont voici un extrait :
Tu es le vase qui s’incline
pour cueillir l’eau de la source
la poitrine gonflée des villageoises à la fontaine

Tu es aussi le sel de ma bouche
la fièvre de mes mains
qui par toi connaissent la forme sensible et parfaite
la vague qui m’emporte loin des rochers de la mémoire
lorsque le plaisir creuse tes reins
et scelle nos deux souffles un instant suspendus

Quand l’odeur du jasmin s’empare de la nuit
la nuit complice nous conduit
au cœur de cités imaginaires
Une éternité plus tard, nous sommes retournés au monastère des fleurs. Le moine frottait son gros bide à la calandre d’une jeep qu’il essayait de réparer. Le hameau avait disparu et personne n’en avait jamais entendu parler… Il y avait un joli petit chien blanc « laissé  par une Italienne » qui s’est empressé de faire l’amour à notre chienne. Un des enfants est encore avec nous, seul témoin de ce retour impossible.
Partager cet article
Repost0

Ce Blog

  • : Fils invisibles
  • : Un loup gris partage les émotions, intuitions et désirs au fil de ses « voyages » d'amitié amoureuse.
  • Contact

Fonds De Tiroirs